Résumé du Chapitre II : La soirée chez les Renoult s’est achevée en apprenant que Titi Lecerf était emprisonné pour avoir organisé la grève de novembre. Alice reprocha à Daniel de ne pas avoir été sympathique avec son vieil ami, le docteur Le Bellec. Elle insista pour qu’il lui présente des excuses. Dans la rue des Groseilliers à Montreuil, où des cabanes de misère côtoient l’entreprise Lagarde, la vie n’est pas facile. Un matin, Patrick Moinot, lycéen, secourt une jeune bourgeoise qui vient de tomber sur une plaque de verglas. C’est une des filles Lagarde, Monique. Le jeune homme est en émoi. La mère Lagarde parle à sa fille souffrante d’un article dans le journal L’Illustration sur le Mandchoukouo, où le Japon fait des miracles…
Chapitre III : La mauvaise conscience de Léon Blum
Le 18 janvier 1939
Daniel Renoult avait accepté de profiter de la voiture de Jacques Duclos pour se rendre au meeting qui était organisé au Vel’ d’Hiv. Il fallait mettre les bouchées doubles pour l’Espagne. Les brigades internationales avaient quitté le front et étaient rentrées en France. Les dirigeants de la République espagnole avaient escompté que cet acte renverrait chez elles les armées fascistes italiennes et allemandes. Une tragique erreur sur leurs intentions réelles.
La naïveté du gouvernement espagnol, encore qu’en politique, il soit difficile d’avaler une telle excuse, donc disons plutôt leur sous-estimation des intentions réelles des mouvements fascistes et les pressions internationales les avaient conduits dans une impasse laissant libre cours aux visées de Mussolini et d’Hitler. La République était aux abois. Le Parti communiste français avait donc lancé une nouvelle grande campagne de soutien : « Des avions, des canons, du pain et du lait pour l’Espagne ».
Le rassemblement se devait d’être une réussite. Daniel avait veillé à ce que tout le territoire de Montreuil soit couvert par les militants pour la distribution de tracts. Quelques défections eurent lieu, mais l’essentiel fut fait. La question que la direction du Parti mettait en avant relevait d’un simple constat : si les armées fascistes gagnaient en Espagne, les troupes mussoliniennes seraient prêtes à pénétrer via les Pyrénées en France, et avec les reculades de Daladier, une possibilité de second front semblait à portée de main pour les nazis. Si on incluait la frontière italienne, un troisième, autant dire un étranglement !
Les émissaires de la IIIème internationale demandaient plus d’engagement, plus de soutien, notamment le beau Clément, Eugen Fried. Celui-ci était en rapport constant avec Thorez, lui communiquait les messages du Komintern, s’entretenait avec tous les membres du bureau politique s’il en ressentait le besoin, mais surtout, il avait tissé un lien avec Jacques Duclos. Toujours tiré à quatre épingles, Fried fascinait les camarades de la direction politique par son entregent et sa prestance. Il parlait couramment plusieurs langues, dont l’allemand et le russe, ce qui lui donnait une aura parmi les ouvriers qui ne maîtrisaient quant à eux que l’argot, et encore. Fried avait travaillé à la création d’une compagnie de navigation pour aider l’Espagne : France-Navigation. L’analyse politique de la France étranglée sur deux fronts venait directement de Staline dont l’obsession était la crainte d’une invasion concomitante de l’URSS par les Japonais et les Allemands. Et le cas de la France ressemblait furieusement à cette inquiétude soviétique depuis la guerre civile juste après la révolution d’Octobre, avec ses fronts multiples qui avaient donné le tournis à la balbutiante Armée rouge.
Dans la voiture qui les conduisait dans le 15ème arrondissement, rue Nélaton, Duclos parut pensif. Il parla peu, sembla rêvasser aux routes qui défilaient. Ils avaient emprunté les boulevards des maréchaux avec leurs multiples souterrains. Les lampadaires éclairaient les trottoirs où l’on apercevait des usagers attendant le passage d’un autobus de la petite ceinture. Ils relevaient le col de leur manteau pour affronter les rigueurs des vents coulis qui tournoyaient le long des grandes artères.
Depuis belle lurette, Alice ne participait plus aux réunions ni aux meetings, sa santé fragile le lui interdisait. Elle n’en avait plus la force, d’ailleurs Daniel ne lui posait plus la question. Simplement, au lendemain matin de chaque grande initiative, il fallait qu’il lui raconte en détail ce qui s’était passé. Une tendresse infinie les liait, un lien invisible mais si fort. Oh, bien sûr Daniel avait eu des amours qui firent subir quelques écornures au contrat de mariage. Elle les avait acceptées, toujours en maugréant, en vilipendant, en pleurant mais finissait par pardonner. Quant à lui, il avait promis, mais sa chair était faible, ou plutôt son intérêt trop fort, il ne savait pas détourner le regard d’une belle femme. Non, il n’était pas vraiment volage, mais une espèce de besoin de paraître, de rester jeune, de séduire, le taraudait et si une femme ne baissait pas les yeux devant lui, il en profitait pour lui faire un brin de cour.
C’est justement dans ces instants de songe que Jacques Duclos, pour rompre la monotonie de ce déplacement, lui demanda des nouvelles d’Alice.
— Elle va bien, je touche du bois, répondit Daniel en se frappant le front d’une main. Le pire, avec elle, ce sont ses crises d’asthme qui la mettent à mal.
— Je t’ai proposé de venir avec nous en Corse, tu sais c’est épatant là-bas, l’air lui ferait le plus grand bien.
— Oui, nous en avons parlé, et je dois dire qu’elle a été très heureuse que tu penses à nous faire venir. Mais je la sens encore hésitante.
— Je vais demander à Gilberte [1] de discuter avec elle pour la convaincre. Ce serait parfait.
— Merci Jacques. Tu le sens bien le truc de ce soir ?
— Oh, tu sais, on doit être pragmatique, nous le savons tous, pour l’Espagne, c’est trop tard, mais nous ne pouvons laisser faire sans montrer notre détermination.
Jacques Duclos avait un accent, celui des Pyrénées. Il formait des phrases qu’il paraissait fredonner. Sa faconde lui permettait d’amadouer et de conquérir le public le plus hostile. Cela en faisait un bretteur craint de toutes les oppositions à la Chambre [2]. Rondouillard, une bonhomie innée, il enveloppait ses opposants d’une verve rustique où les arguments étaient clairs, toujours simples à comprendre. Mais ce soir, il fallait créer de l’enthousiasme. Il s’en inquiétait. Aussi, son silence ne pouvait s’apparenter à une bouderie dans son coin de la voiture, Daniel pressentait autre chose. En fait, Duclos s’interrogeait sur la nécessité de faire une intervention, celle qui était bien préparée dans sa sacoche de cuir. Il ne voulait surtout plus la revoir et au contraire, il la pensait inutile, sauf impossibilité de Thorez de livrer la parole du Parti. Ou, évidemment, dans le cas où le contenu des propos des autres intervenants n’aurait pas été clair. Mais de cela on aviserait au fur et à mesure du meeting. Et puis si besoin, il serait toujours temps de quitter le texte pour se lancer dans une improvisation, ce dont le public raffolait.
Le Vel’ d’Hiv était un immense bâtiment au croisement de deux rues. Haut, il avait des espaces circulaires où le public dominait une piste cyclable ovale avec au centre un large espace où l’on pouvait organiser des concours de patinage sur glace même l’été. Les organisateurs avaient disposé une tribune qui occupait toute une extrémité du lieu. Les chaises avaient été remisées pour laisser plus de place à la foule que l’on espérait. Les accès aux gradins circulaires surplombant la piste et la tribune permettraient d’accueillir encore plus de public. Les militants du parti s’étaient investis, ils canalisaient les gens pour que d’abord les places du bas fussent occupées, puis on verrait pour les gradins.
Il y avait beaucoup de sièges derrière la tribune pour accueillir les invités, la SFIO, les Radicaux, la Ligue des droits de l’Homme, les syndicats CGT, les personnalités du Parti. Lorsque l’on avait demandé à Daniel Renoult d’en être, il avait repoussé la proposition en disant qu’il préférait rester auprès des militants de Montreuil venus soutenir la République hispanique.
Lorsque la voiture de Duclos atteignit l’immense construction ressemblant à un paquebot fendant l’onde, Daniel en descendit pour rejoindre les camarades de Montreuil dont il avait aperçu des responsables un peu plus loin. La foule avançait comme une marée montante vers l’entrée. Bientôt l’espace du rez-de-chaussée fut noir de monde. On y était serré comme harengs en caque. Les trois étages de gradins furent immédiatement rendus accessibles. L’ambiance était celle des grandes soirées électorales. Des collecteurs passaient régulièrement en agitant une boîte en ferraille où les pièces de monnaie s’entrechoquaient dans un tintamarre qui se perdait au milieu des interjections, des interpellations et des Internationales qui retentissaient à tout bout de champ.
À 9 heures du soir, la salle était archicomble, comme rarement. Fusait un slogan à tout instant : « Ouvrez la frontière ! » Quarante mille gorges hurlaient ce mot d’ordre avec entrain.
Lorsqu’André Tollet [3] accéda à la tribune pour annoncer l’ouverture du meeting, les visages de la foule se firent plus graves, marquant une fermeté et une conviction inébranlables. Depuis le haut des gradins circulaires, jusque derrière la tribune, depuis les endroits les plus reculés où l’on ne voyait rien et où l’on entendait mal, depuis le parterre surchauffé, le silence s’imposa. Un silence épais, dense, dru comme une bourre de coton. Un peu pour la forme, Tollet demanda aux présents de désigner Francis Jourdain de Paix et Liberté et Henri Raynaud secrétaire de l’Union des syndicats de la région parisienne pour présider la réunion. Une ovation répondit à l’orateur et les deux hommes s’installèrent à la tribune tandis qu’une troisième personnalité, Corderos, responsable du Parti socialiste ouvrier espagnol, s’asseyait après avoir été appelé. Puis, à quelques mètres derrière cette estrade, de nombreuses personnalités prenaient place. Du coin de l’œil, Daniel aperçut Duclos et il reconnut Léon Blum un peu plus loin.
Les orateurs prirent la parole. Ils furent tantôt éloquents, tantôt tragiques, toujours humains et en rage contre les fascistes. Le premier fut Paul Guérin. Lorsqu’il demanda à la foule si l’on pouvait faire confiance à Mussolini lorsque ce dernier disait qu’il retirerait son armée de l’Espagne, l’assistance cria « NON ! »…et du fond de la salle, tandis que des applaudissements crépitaient, on entendait des « Vive Thorez » sans que l’on comprenne pourquoi. Le tribun se tut. Entre les femmes et hommes rassemblés, un mouvement se faisait, c’était le secrétaire général du Parti, Maurice Thorez qui faisait une entrée tonitruante. Toute la salle scandait maintenant des « Vive Thorez » accompagnés de « Du pain et du lait pour l’Espagne » et aussi de « Ouvrez la frontière ». Dans ce tohu-bohu, le second orateur eut bien du mal à lancer ses premières phrases. Raymond Réthoré, député radical, apportait son soutien à l’Espagne républicaine.
Le mouvement de foule dans l’immense salle se ralentit et Thorez accéda aux marches qui permettaient d’atteindre la place qui lui était réservée en haut de l’estrade. C’est à ce moment que le regard de Daniel fut attiré par une femme qui semblait l’avoir repéré. Ce sont ces yeux qui lui permirent immédiatement de l’identifier : Mado ! [4] Cela faisait 20 ans qu’il n’en avait pas eu de nouvelles, depuis le déménagement de Daniel à la rue d’Hautpoul. Elle était à l’époque amoureuse de Daniel, et il avait succombé. La reconnaître lui provoqua une gêne mais aussi un grand plaisir. Rien que de penser à la fin de leur histoire, il avait un peu honte, se sentait lâche. Il détourna le regard, fit comme si de rien n’était. L’ayant également aperçu, elle se tortilla, bouscula les gens, se fit rabrouer, mais franchit tous les obstacles jusqu’à être à portée de voix de Daniel qui paraissait captivé par la tribune.
« Paris et toute la France exigent l’ouverture d’une frontière qui n’aurait jamais dû être fermée ! » lançait Thorez dans un tonnerre d’applaudissements. Il poursuivit tandis que la salle battait des mains comme un cœur dans une poitrine : « Paris reprend le cri qu’il lança dès août et septembre 1936 : des canons, des avions pour l’Espagne ! »
Mado hurlait en direction de Daniel, mais ses cris étaient couverts par la foule frénétique et les propos de Thorez qui poursuivait en dénonçant les manœuvres fascistes en Espagne, les terribles conséquences de la non-intervention et les visées mussoliniennes sur l’Afrique du Nord, notamment la Tunisie. Mado, bloquée par les coudes, les torses, les poings levés, tournait désespérément la tête en direction de Daniel qui buvait les paroles du tribun.
« Le président du Conseil a fait des déclarations fermes en Afrique du Nord [5]. Il n’est jamais trop tard pour revenir dans le bon chemin. Mais si ce ne sont pas là des fanfaronnades et des propos superflus, si ce n’est pas là un camouflage préparant un deuxième Munich, il faut ouvrir la frontière ! »
La salle trépigna, battit des mains, tapa des pieds ! Un tonnerre roula sous la voute. Mado gagna deux mètres au risque de perdre une chaussure. Thorez en vient à dénoncer l’orientation profasciste de Chamberlain, ami d’Hitler et de Mussolini, qui travaillerait en leur direction au nom de la City de Londres. « Il faut en finir avec l’indifférence, la lâcheté, la trahison ! Il faut envoyer à l’Espagne républicaine du pain, du lait, des avions, des canons pour sauver la liberté et ramener la paix ! Tous unis, nous y parviendrons ! Vive l’Espagne républicaine invincible ! Vive le Front populaire ! Vive l’unité qui nous donnera la victoire ! » termina d’une voix haute et forte l’orateur en nage. Une Internationale fut immédiatement entonnée. Les participants se figèrent presque dans un garde-à-vous solennel, ce qui permit à Mado de parcourir les derniers mètres en bousculant les rangs de militants.
— Daniel !
Celui-ci reprenait les couplets du chant lorsqu’il entendit son nom crié par Mado. Il sentait depuis tout à l’heure qu’il lui faudrait bien la voir et discuter avec elle. Il avait espéré que la foule le protégerait, il n’en fut rien. Une forme de lâcheté ? Peut-être. Pourtant, ce n’était pas un trait de caractère chez lui, bien au contraire. Cela faisait vingt années qu’ils ne s’étaient rencontrés, alors que lui dire à présent ? Beaucoup de choses remontaient à sa mémoire. Mais le temps était passé, effaçant les regrets, atténuant les souvenirs. Pourquoi tout raviver ?
— Tiens, Mado ! Quelle surprise ! réussit-il à crier alors qu’elle était presque contre lui.
— Qu’est-ce que j’suis contente de te voir, tu peux pas t’imaginer.
— Oui, moi aussi. Attends, je voudrais écouter ce que disent les autres.
— Oh, j’suis si contente d’t’voir ! Ça fait si longtemps Daniel…
— Attends, voici Jouhaux.
Léon Jouhaux était un homme d’une belle stature, le visage un peu mou et triste, qu’une barbichette à la Napoléon III agrémentait heureusement. Il fut concis et répondit aux attentes d’un public acquis à la cause espagnole. Il dénonça la non-intervention, fit planer la crainte d’une guerre conduite par Hitler et Mussolini si la République espagnole était vaincue et il termina sous les vivats en exigeant l’ouverture de la frontière.
Maurice Viollette, de la Ligue des droits de l’Homme, fut encore plus court, et à vrai dire tout le monde attendait l’orateur qui devait clore la soirée. Viollette fut parfait dans son rôle, en appela au droit, à la conscience, à l’humanité. Il fut applaudi mais la salle guettait l’arrivée du suivant. Mado, elle, s’impatientait mais s’efforçait de ne rien laisser paraître. La foule scandait des « Unité, unité » entre lesquels surgissaient des « Front populaire ! » Un homme fin et longiligne accéda à la tribune, petites lunettes cerclées et belle moustache grisonnante : Léon Blum. Les mots d’ordre faisaient vibrer le Vel’ d’Hiv. Il était inquiet, se demandait comment son intervention serait perçue. Ses paumes se couvrirent de sueur, il ne laissa rien paraître. Il posa ses deux mains bien à plat sur le pupitre, avança le torse et lança : « J’ai été, je reste responsable de ce qui s’est nommé la politique de non-intervention ». Un silence terrible sembla étouffer la salle. On n’entendait même plus de respiration, ni de toussotements, rien, une chape épaisse tétanisant les gorges parut dégringoler sur l’assistance, surveillant, comme aux aguets, les propos de l’ancien président du Conseil. Il poursuivit : « À nos yeux, la politique de non-intervention avait pour but d’empêcher l’intervention des dictatures dans le conflit d’Espagne. Nous avons fait de longs efforts ; peut-être pensez-vous que nous avons fait de trop longs efforts... » La salle, comme d’une seule voix, hurla un « Oui » qui brisant son silence, et qui fut comme une gifle d’une rare intensité sur la joue rose de l’orateur. Celui-ci, néanmoins, poursuivit avec flegme « … pour convaincre les dictateurs fascistes. Et aujourd’hui, nous nous trouvons devant un Mussolini qui n’attend plus que la victoire de Franco pour donner à ses revendications contre la France les accents de violence et de puissance qui lui sont nécessaires ». Puis il asséna : « Cela ne peut plus durer, cela ne peut plus se prolonger un jour seulement ». Il poursuivit sur la trahison des dictateurs en qui il avait eu confiance et termina en exaltant la force de l’unité du Front populaire. Alors la salle, après ses doutes, renouvela son enthousiasme et applaudit vivement le tribun.
— La belle affaire ! C’est bien beau de reconnaître ses erreurs, mais il agite du vent… Il faut faire pression sur Daladier ! ne put s’empêcher de dire Daniel en regardant Mado qui avait certes un peu changé mais demeurait coquette et mignonne.
— Oui, tu as raison, lui dit-elle, un peu pour abréger les discussions sur le meeting. Alors que deviens-tu ?
Une Internationale fut entonnée, tout le monde se figea dans l’instant et reprit les couplets en levant le poing droit serré. Et lorsque le refrain sortait de toutes ces gorges en colère, l’air de la salle vibrait et les poings se lançaient dans un geste rageur vers la verrière.
Les portes du Vel’ d’Hiv s’ouvrirent toutes grandes et la foule commença à refluer dès le dernier vers proclamé « …sera le genre humain ! » et les applaudissements qui achevaient la soirée.
Daniel ne savait plus trop comment faire avec Mado. Au fond de lui, il avait envie de la revoir mais craignait aussi ce moment. Il réussit à lui demander si elle avait le temps de boire un verre afin de discuter au calme.
— Oui ! C’est une chouette idée. Ça me fait vraiment plaisir.
Alors qu’elle s’apprêtait à prendre le bras de Daniel, Duclos accompagné d’une femme jeune, plus grande que lui de presque une tête, avec des yeux clairs et vifs, une belle fille, rejoignit Renoult.
— On rentre ensemble ? lui demanda Jacques Duclos tandis que la femme lui serrait la main avec vigueur et qu’il lui disait : « Bonsoir Jeannette ». Il poursuivit :
— Non, répondit Daniel, je viens de rencontrer une ancienne camarade qui travaille chez Villebois. Mado, je te présente Jeannette Vermeersch et Jacques Duclos, des camarades de la direction du parti.
— Bonjour m’sieurs dames, bafouilla Mado en tendant la main, impressionnée d’être devant des dirigeants.
— Bonsoir camarade, tu es de quelle cellule du Parti ? lui demanda Jeannette.
— Oh, m’dame, on vient d’en créer une, l’Espagne Libre, pour la boulonnerie ousque je travaille.
— Nous sommes des camarades, on se tutoie, pas ? rétorqua Jeannette d’une voix douce.
— Oui m’dame.
— Jacques, je prendrai le métro pour rentrer sur Montreuil, ne m’attends pas. Allez Mado, on y va ? demanda Daniel en lui attrapant le bras et en tournant les talons.