Grièvement blessé, Wladislas Chaciak est transporté à l’hôpital Sainte-Barbe de Fouquières-lès-Lens où il succombe quelques heures plus tard.
L’enquête de police permet de retrouver la voiture, qui avait été mise en réparation dans un garage du secteur : un phare était brisé, le pare-brise avait volé en éclats et la partie droite de la carrosserie était défoncée. Stupéfaits, les policiers découvrent que la voiture appartient à la ville d’Hénin-Liétard.
Le maire socialiste était le chauffard
Arrêté, le maire d’Hénin-Liétard tente d’abord de nier en prétendant que ce soir-là, il n’avait pas quitté la ville.
Âgé de 36 ans, Jean Théry n’était pas destiné à devenir maire. Instituteur, il succède à son prédécesseur, Robert Crincket, un socialiste lui aussi, directeur du collège moderne et technique, élu maire à l’occasion des élections municipales du 19 octobre 1947 avec 16 voix – les 9 voix socialistes et les 7 voix du Mouvement républicain populaire (MRP) – contre 11 voix au communiste Nestor Calonne, le maire sortant. Robert Crincket démissionne cependant en novembre 1949 et c’est alors Jean Théry qui devient maire. Il est réélu en mars 1953, toujours à la tête d’une coalition SFIO-MRP.
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L’enquête de police permet d’établir que Jean Théry était au volant de la voiture de la ville, aux côtés d’un de ses amis, Jules Louffe, un gros boucher de la région. Circonstance aggravante, Jean Théry n’avait pas le permis de conduire et n’était pas assuré. Après le choc, Louffe aurait demandé à Théry de s’arrêter pour porter secours à la victime, mais le maire d’Hénin-Liétard aurait refusé, prétextant avoir vu le cycliste se relever…
Présenté le 4 novembre devant un juge d’instruction du Tribunal de Béthune, Jean Théry est écroué sous l’inculpation d’homicide involontaire, délit de fuite, omission de porter secours à personne en péril et infraction au code de la route. Jules Louffe est inculpé quant à lui pour omission de porter secours.
Jean Théry démissionne de ses fonctions le 8 novembre. Il est remplacé par Fernand Darchicourt, élu maire par 15 voix contre 10 au candidat communiste et deux abstentions.
Les deux accusés condamnés en première instance et en appel
L’audience se tient le 3 décembre 1953 devant le Tribunal correctionnel de Béthune. Cité par la défense, l’inspecteur primaire exprime sa consternation, mais se montre compatissant avec Théry : « Diriger la mairie d’une commune de 25 000 habitants et exercer le dur métier d’instituteur me paraissent deux choses incompatibles, qui devaient fatalement aboutir à une défaillance. M. Jean Théry a perdu le contrôle de lui-même ».
C’est cette ligne de défense qui est adoptée par les avocats de l’ex-maire, qui demandent l’indulgence pour leur client, dont la « défaillance morale » serait la résultante de son « extrême fatigue » consécutive à ses lourdes charges de maire et d’instituteur.
Jean Théry est condamné à quatre mois de prison avec sursis et 25 000 francs d’amende, ainsi qu’à diverses indemnités. Jules Louffe est également condamné à une amende de 25 000 francs pour non-assistance à personne en danger.
Le parquet fait cependant appel et une nouvelle audience se tient le 10 mars 1954 devant la Cour d’appel de Douai qui condamne l’ancien maire à quinze mois de prison sans sursis et 25 000 francs d’amende. La condamnation de Jules Louffe est maintenue. La mère de la victime obtient 200 000 francs de dommages-intérêts, chacun de ses neuf frères et sœurs 20 000 francs, et sa femme, qui était séparée de lui, 400 000 francs. La nouvelle compagne de Wladislas Chaciak, qui s’était aussi portée partie civile, n’obtient, elle, aucune indemnité.