D’un chiffre initial annoncé de 14 morts, les informations qui parviennent de Mayotte parlent actuellement de centaines de victimes, voire, selon les craintes du préfet François-Xavier Bieuville, de plusieurs milliers de personnes tuées.
À l’évidence, personne ne s’attendait à une telle violence. Mais, dans ce coin de terre française de l’océan Indien, entre Madagascar et la côte du Mozambique, les statistiques de la population sont incertaines. Le dernier recensement donne le chiffre de 300 000 habitants. Il faut y ajouter environ 100 000 personnes sans-papiers, vivant dans des habitations très précaires, souvent en tôle. Si l’on tient compte également de 12 000 naissances enregistrées chaque année, la population serait plutôt proche des 500 000, voire 600 000 personnes. Officiellement en tout cas, le nombre d’habitants au km², 682, en fait le département d’Outre-mer le plus peuplé. Il est aussi le plus pauvre. Plus de 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.
L’an dernier, l’archipel a vécu les opérations Wuambushu dont l’objectif était d’expulser les migrants sans-papiers vers les Comores. Cela avait entraîné des troubles importants avec le blocage des dispensaires accusés d’accueillir les migrants pour des sommes très modiques et de jouer ainsi un rôle attractif. En réponse, ces derniers avaient réagi en caillassant des lieux de soin, aggravant par là même une situation sanitaire très précaire.
Cette année, après le choléra, les Mahorais ont eu à craindre une épidémie de Mpox, la « variole du singe ». La catastrophe qui vient de s’abattre sur Mayotte peut engendrer un retour du choléra. Le cyclone Chido a soufflé jusqu’à 226 km/heure. Certaines pointes ont même été enregistrées à 300 km/h. Les dégâts sont considérables. De nombreuses habitations bien-sûr ont été détruites. Les cases et les habitations précaires des personnes immigrées ont été balayées. Leurs occupants n’ont pas osé rejoindre tout de suite les abris proposés par les autorités, craignant d’être inquiétés et expulsées. L’hôpital public a été touché.
L’arrivée des secours est retardée en raison de l’état des voies de communication, même si l’aéroport de Mayotte-Dzaoudzi (fermé au trafic commercial) reste accessible aux avions militaires et à la sécurité civile. Un pont aérien - et maritime avec la Marine nationale - a d’ailleurs été ouvert depuis l’île de la Réunion. Mais les Mahorais manquent de tout, notamment de nourriture et d’eau.
L’eau, qui est un problème majeur depuis longtemps, avait même été coupée à l’arrivée du cyclone. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, et le ministre délégué aux Outre-mer, François Noël Buffet (démissionnaires en la circonstance) étaient attendus ce lundi à Mayotte.
Mais que pourront-ils apporter sinon des solutions d’urgence, certes indispensables ? Les habitants se sentent depuis fort longtemps abandonnés par la métropole. Les services publics sont extrêmement défaillants, des milliers d’enfants ne sont pas scolarisés, la situation sanitaire est catastrophique. L’État français n’a jamais su prendre ses responsabilités vis-à-vis de ce parent pauvre de la République.