Charles Beauchamp est effaré. Le président du groupe communiste et républicain au conseil départemental du Nord n’a peut-être jamais vu cela en dépit de sa longue expérience. « Le président [Christian Poiret] a rompu avec les règles élémentaires de la démocratie. Je ne peux aujourd’hui que constater une fracture avec les nordistes, avec le personnel du Département et avec les élus d’opposition. »
Réputé pour son autoritarisme, Christian Poiret semble se fermer de plus en plus, convaincu de ses bienfaits. « Nous apprenons dans la presse des décisions prises par l’exécutif, affirme Charles Beauchamp. Certains maires nous interpellent sur telle ou telle politique qui a été supprimée, sans concertation. » Exemples : tentative de couper dans la prévention spécialisée, arrêt des financements des services d’aide et d’accompagnement à la parentalité, suppression envisagée de la moitié des sites de la médiathèque, augmentation du prix des billets d’entrée dans les équipements culturels…
« Je défends chaque jour le Nord et ses habitants proteste le président du Département dans le magazine Nord info. (…) Nous devons faire des choix difficiles mais tant que nous pourrons préserver les habitants, nous le ferons : la solidarité est l’ADN des départements, plus encore dans le Nord. »
Rapport d’orientation budgétaire : une coquille vide
Des mots qui donnent mal à l’estomac des élus communistes. Lors de la séance du 31 mars du Conseil départemental consacrée au rapport d’orientation budgétaire pour 2025, Charles Beauchamp a fustigé « de vagues déclarations qui prétendent qu’on fait bien le travail ! ». Mais pour lui, le rapport est une coquille vide, sans projections chiffrées et sans orientations budgétaires claires. Certes, l’exécutif se retranche derrière les remises en cause de l’État et des orientations gouvernementales. « Mais ce sont vos amis au pouvoir qui ont participé à l’assèchement financier des collectivités, rétorque l’élu communiste. Votre majorité départementale ne peut pas se dissocier des choix nationaux. Vous n’avez plus le droit de vous plaindre des orientations gouvernementales car deux membres de votre majorité [Charlotte Parmentier-Lecocq et Valérie Létard - ndlr] sont ministres du gouvernement Bayrou. Trois l’étaient [avec Paul Christophe – ndlr] sous le gouvernement Barnier. »
Le rapport d’orientation budgétaire fait disparaître des données essentielles comme le chiffrage des dépenses d’Aide personnalisée d’autonomie (APA) et de Prestation de compensation du handicap (PCH). De même, on ne trouve pas d’estimation des dépenses pour le RSA. Et la capacité de désendettement ne figure pas sur le papier. On apprendra en commission de finances qu’elle est de 17 ans.
Silence budgétaire volontaire
Charles Beauchamp parle d’un « silence budgétaire volontaire [qui] permet d’entretenir l’opacité sur la réalité des finances et de masquer une politique de restriction budgétaire qui ne dit pas son nom. »
« Le manque de transparence est criant dans la présentation des recettes, dit-il en dénonçant une présentation biaisée qui insiste uniquement sur les recettes en diminution, et passe sous silence celles qui augmentent. Exemple : les recettes sociales augmentent de 316 à 348 millions entre 2024 et 2025. Pourquoi occulter cette hausse de 32 millions dans votre présentation ? Les recettes d’ingénierie financière liées aux fonds européens passent de 19 à 29 millions entre 2024 et 2025. + 10 millions que vous omettez de mentionner. »
L’élu cite encore les coupes budgétaires de 2023-2024 qui touchent directement les missions essentielles du Département : réduction des Allocations mensuelles d’Aide sociale à l’enfance, suppression des Services d’aide et d’accompagnement à la parentalité, diminution envisagée de moins 25 % pour la prévention spécialisée qui vise à soutenir des jeunes en rupture avec les institutions, exclusion des publics empêchés en matière de culture, avec la suppression du dispositif « Insertion par la culture » qui ciblait des personnes désocialisées et isolées, etc. La liste est longue. Il faut y ajouter notamment les sanctions sur les allocataires du RSA, avec des suspensions brutales d’allocations, dès la première absence à un rendez-vous.
Pas d’excuses aux agents du Département
Et Charles Beauchamp d’enfoncer le clou : « Si l’argent manque pour financer les dispositifs sociaux en direction des plus précaires, d’autres domaines ne souffrent pas de telles restrictions : la communication, le Contrat à impact social qui consacre plusieurs millions pour un partenariat public privé ne concernant que 1% des allocataires du RSA, ou la remise à l’emploi des allocataires du RSA, une mission relevant pourtant de France Travail. »
La charge ne s’arrête pas là. On se souvient de la cérémonie calamiteuse des vœux du président du Département à Téteghem (près de Dunkerque) le 24 janvier dernier où il s’en était violemment pris aux agents salariés qui réclamaient davantage de moyens. Le 31 mars dernier, devant l’assemblée départementale, Charles Beauchamp lui a demandé s’il comptait leur présenter des excuses. Il n’a pas obtenu de réponse.