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Face aux risques du changement climatique

Les collectivités locales peinent à s’assurer

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Mise à jour le 14 mars 2025
Temps de lecture : 6 minutes

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Environnement Social

Les inondations provoquées dans plusieurs communes de France à la suite du changement climatique posent, entre autres, la question de l’assurance des collectivités locales. Les maires demandent une action urgente.

« Les collectivités locales ne sont pas des clientes comme les autres ». Dans un communiqué publié le 21 janvier dernier, l’Association des maires de France (AMF) explique que la « capacité [de ces collectivités] à assurer la continuité des services publics dépend directement de leur accès à une couverture d’assurance adéquate. »

En clair, après les conséquences provoquées par des cyclones, comme à Mayotte et à La Réunion, ou des crues exceptionnelles comme on l’a vu récemment en Pays de la Loire, en Bretagne, dans la vallée du Rhône et, en 2023, dans le Pas-de-Calais, les collectivités sont soumises à des questions très concrètes. Par exemple : comment peut-on poursuivre l’enseignement scolaire si les écoles ont été détruites et ne peuvent être reconstruites faute d’indemnisation ? Cela vaut pour l’ensemble des équipements endommagés qui permettent de mener à bien les missions de service public.

Dans le Pas-de-Calais, Brigitte Passebosc, à l’image de nombre de ses collègues, a été confrontée à la question des indemnisations après les crues et inondations de l’automne 2023. Maire (PCF) de Saint-Étienne-au-Mont (5 000 habitants), elle est aussi conseillère générale (canton d’Outreau) et vice-présidente de la Communauté d’agglomération du Boulonnais. Sa commune a été l’une des plus touchées avec, par endroit, plus d’1,50 m d’eau et l’évacuation de nombreux habitants. L’État a débloqué, un an plus tard, 320 000 euros pour réparer la voirie (soit 80 % de la facture).

« Aujourd’hui, dit Brigitte Passebosc, il y a encore des maisons qui demeurent fermées. Trois habitations sont rachetées dans le cadre du plan Barnier et vont être rasées. Pour d’autres, dont les propriétaires ont les moyens, des rénovations ont été effectuées. » Mais la commune n’est pas sortie d’affaire. Il faut par exemple encore déplacer une crèche et des services techniques. Près de Saint-Étienne-au-Mont, à Hesdigneul-lès-Boulogne, une nouvelle école doit être reconstruite.

Indemnités après un an d’expertises

La catastrophe a aussi touché des entreprises. « Dans ma commune, raconte Brigitte Passebosc, une entreprise (15 emplois) a délocalisé pour repartir sur son siège d’origine, à Reims. Dans la zone industrielle de la Liane (le fleuve côtier qui a débordé - ndlr), 400 employés ont été déplacés à Saint-Martin-Boulogne, à quelques kilomètres. » Le bilan ne s’arrête pas là. L’élue cite les licenciements de 70 à 80 salariés de l’imprimerie SIB (Société d’impression du Boulonnais) actuellement en redressement judiciaire. « Cette situation est une des conséquences des inondations », assure-t-elle.

« Certes, explique la maire de Saint-Étienne-au-Mont, les assurances ont joué le jeu en ce sens que la commune est toujours assurée. Les tarifs ont augmenté, mais de façon raisonnable. C’est également vrai pour les villes proches. Concernant la couverture, nous avons obtenu le solde des indemnités, mais il a fallu attendre le résultat d’expertises qui ont duré plus d’un an. »

Concernant le Boulonnais dans son ensemble, c’est la Communauté d’agglomération du Boulonnais (CAB) qui pilote les dossiers. À Saint-Étienne-au-Mont, on a entendu les habitants approuver les travaux de voirie, mais ils déploraient l’absence de perspectives pour prévenir les futures inondations. En fait, souligne la maire, on estime qu’il faut 30 millions de travaux pour mieux prévoir les risques et protéger le bassin de la Liane. Mais il faut aussi compter avec le recul, en raison de l’érosion, de la côte littorale et des zones inondables de ce secteur.

Un marché peu rentable pour les assureurs

Voilà pourquoi la question des assurances se fait de plus en plus pressante. « Pour les événements de l’automne 2023, poursuit Brigitte Passebosc, le sous-préfet du Pas-de-Calais a suivi le dossier pour mettre en œuvre le fonds Barnier. » Ce fonds, initié en 1995 par Michel Barnier alors qu’il était ministre de l’Environnement, permet aux particuliers, aux collectivités et aux petites entreprises de financer des travaux destinés à réduire leur vulnérabilité face aux catastrophes naturelles. Ce dispositif, plusieurs fois revu, va être abondé de 75 millions d’euros en 2025 pour voir ses crédits portés à 300 millions d’euros.

Mais concernant les sociétés d’assurance, « le pouvoir des élus locaux est très limité, reconnaît la maire. Pour ce qui concerne le Boulonnais, il a fallu l’intervention du préfet et des sous-préfets » pour activer les dossiers. À l’Association de maires de France, on réclame une action urgente face à la crise de l’assurance des collectivités locales. L’AMF rappelle que ces collectivités, après avoir bénéficié de tarifs favorables pendant des années, ont dû « faire face à une hausse des primes d’assurance de 90 % entre 2018 et 2024, avec des augmentations particulièrement marquées pour l’assurance des dommages aux biens sur la même période (+147 %). »

Une mission commandée fin 2023 à l’AMF par les ministres de l’Économie, de la Cohésion sociale et des collectivités, a présenté 25 recommandations. Parmi celles-ci, elle demande notamment de se tourner vers l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR, une autorité administrative adossée à la Banque de France). Il s’agit en fait de lui demander une étude pour une vigilance accrue sur l’équilibre global du marché de l’assurance des collectivités territoriales.

Actuellement, le marché de l’assurance des collectivités territoriales ne représente que 1,5 à 2 % du chiffre d’affaires total des assureurs. Les compagnies d’assurance le jugent peu rentable. Cela explique sans doute leur inertie.

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