Association loi 1901, l’Escapade gère une salle de spectacle qui appartient à la ville d’Hénin-Beaumont. Subventionnée à hauteur de 70 % par la commune qui lui met à disposition du personnel municipal, l’association présidée depuis de nombreuses années par Jean-Luc Dubroecq emploie aussi ses propres salariés, dont un directeur, embauché par le Conseil d’administration.
Avant l’arrivée au pouvoir du RN, l’Escapade était clairement dans le viseur de l’extrême droite.
Sur son blog, Steeve Briois dénonçait par exemple en 2007 les « navets et la daube gauchiste de l’Escapade, haut lieu de l’inculture et de la propagande anti-raciste ». À la place, M. Briois proposait d’utiliser le lieu pour y faire des thés dansants avec les personnes âgées…
Dix ans plus tard, les craintes des artistes, qui s’étaient fortement mobilisés en 2009 contre une victoire probable du FN se sont en partie estompées : l’Escapade ne propose toujours pas de thés dansants et les directeurs qui se sont succédé depuis 2014, Bernard Bones, Bruno Lajara et Jean-Yves Coffre ont pu proposer des saisons culturelles ambitieuses sans ingérence du RN.
Si l’Escapade a pu poursuivre ses activités sans encombre, c’est en partie parce que le RN se savait surveillé, mais aussi du fait de l’attitude conciliante de son président, au grand dam de plusieurs membres du bureau et des directeurs successifs qui, eux, étaient prêts à aller au conflit avec la municipalité RN.
Ainsi, Jean-Luc Dubroecq a signé le 24 janvier, sans en avertir les membres du C.A., une nouvelle convention avec la ville d’Hénin-Beaumont prévoyant la possibilité pour la ville de déprogrammer quinze jours avant un spectacle en cas de besoin d’une salle à la dernière minute. En outre, la convention indique que la ville pourrait reprendre le bâtiment à l’Escapade après deux mois de préavis si elle décidait de municipaliser le lieu…
Divisions au sein du bureau
Pour le directeur et une partie des membres du bureau, déjà choqués que le président ne se soit pas opposé au départ de l’ancienne programmatrice jeune public, une employée municipale mise à disposition contrainte de quitter l’Escapade et affectée dans un autre service contre sa volonté, la soumission du président de l’association aux desiderata de la municipalité RN est allée trop loin.
L’Assemblée générale de l’association, le 24 juin dernier, a été émaillée de tensions. Craignant d’être renversé et accusant le directeur de fomenter un putsch, le président s’est appuyé sur les statuts qui ne permettent pas aux adhérents de moins de six mois de prendre part au vote.
Dans la foulée, lors du bureau de l’association, le 4 juillet, le président Dubroecq a mis aux voix le licenciement du directeur, Jean-Yves Coffre, pour manque de loyauté. La demande de licenciement a été refusée par le bureau qui a opté pour l’envoi d’une lettre d’avertissement.
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Volant au secours du président Dubroecq, le maire RN, a aussitôt envoyé un courrier très menaçant à l’ensemble des membres du C.A., que Liberté Actus a pu consulter.
Steeve Briois y accuse le directeur de l’association de « harcèlement moral » vis-à-vis de deux agents municipaux et reproche aux administrateurs de l’association culturelle d’avoir mal voté en optant pour un simple courrier d’avertissement. Il conclut sa missive en menaçant l’association de lui retirer le personnel municipal mis à disposition et de porter plainte contre eux pour complicité de harcèlement moral si les membres du C.A. ne se réunissent pas dans un délai d’un mois pour voter le licenciement demandé par le président.
Si le départ du directeur semble acté, l’attitude du maire d’extrême droite et du président de l’association laisseront des traces dans une association fracturée et fragilisée à l’aube de sa nouvelle saison culturelle.