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Claudine Van Massenhove/shutterstock
Paroles de Dunkerquois autour de l'avenir de la sidérurgie

L’acier ne fait pas Carnaval

Accès libre
Mise à jour le 14 février 2025
Temps de lecture : 5 minutes

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Industrie Dunkerque Sidérurgie ArcelorMittal Social

Les mauvaises nouvelles autour de l’avenir d’ArcelorMittal ne peuvent laisser indifférents les Dunkerquois. C’est que l’histoire et l’avenir de la ville et de l’agglomération sont liés de très près à la sidérurgie qui s’est implantée, bord à quai, sur ce territoire portuaire il y a maintenant 66 ans.

En ce milieu de matinée glaciale, les habitués du « Phare », rue L’Hermitte à Dunkerque, échangent autour du zinc. Gilles, barbe grisonnante et cinquantaine puissance, s’affaire entre le service, la vente des cigarettes, des tickets de loto et des journaux. Les tireuses à bière attendront. Pour l’heure, c’est le petit noir qui est roi. Parle-t-on des titres de la presse ? Non. Les conversations tournent autour du carnaval qui a débuté depuis fin janvier, mais qui donnera toute sa puissance d’ici février.

Autre époque

Le carnaval, à Dunkerque, on ne rigole pas avec ça. Au moins, c’est une valeur sûre. Pas comme l’industrie sidérurgique dont il se dit qu’elle va cesser de produire ici, à Dunkerque, et partout en France. L’histoire remonte à 1959 avec la construction d’Usinor et son nouveau concept « les pieds dans l’eau » permettant de recevoir directement les gros navires vraquiers et leurs tonnes de charbon. Plus tard, Usinor est devenue Sollac, puis Sacilor, et Arcelor avant de s’appeler ArcelorMittal.

On est bien loin de l’époque où l’acier dunkerquois transformait radicalement l’agglomération et créait des milliers d’emplois. Aujourd’hui, on parle plutôt de retrait, de délocalisation. Alors, autour du zinc de Gilles, on ne parle pas que du carnaval. Les grèves en Belgique, l’avenir de l’acier à Dunkerque et les conséquences pour l’ensemble de l’agglomération si les hauts-fourneaux se taisaient pour laisser place au néant.

Sans perdre une miette des paroles de ses clients et copains, Gilles rejette son torchon sur l’épaule. « Je donne moins de cinq ans avant que l’usine ferme ! » lance-t-il avec dépit. Les clients approuvent, désappointés. Certains pointent l’incohérence d’une telle décision, si une fermeture devait se confirmer. « Ils vont rester là », tempère Hervé pour qui la disparition du site de Grande-Synthe est inconcevable. « Ils fermeront peut-être un ou deux fourneaux, mais on ne peut pas se passer de l’acier. Ce serait inacceptable » abonde Patrick, auxiliaire de vie et ancien commerçant. Il s’inquiète à la pensée de voir un fleuron de l’industrie française déplacé en Inde, où les conditions de travail ne sont pas les mêmes. « Là-bas, c’est un enfer écologique et humain. Il faut que les élus locaux se battent » conclue-t-il, pointant du doigt la responsabilité des pouvoirs publics dans le démantèlement des industries françaises. Gilles hoche la tête et fustige une politique austéritaire qui fait peser le poids de la dette sur les petits commerçants.

Et si la décarbonation ?

Mais au-delà de l’enjeu économique, c’est aussi le mot « pollution » qui est sur toutes les lèvres. Comme dans beaucoup de villes industrielles, les particules toxiques rejetées par les cheminées des usines inquiètent les habitants pour leur santé. « Il y a eu plein de morts à cause d’Usinor » (ancien nom de l’usine rachetée par Arcelor en 2002) affirme Hervé qui aspire désormais à une industrie « décarbonée ». Un enjeu crucial qui pourrait relancer l’avenir de la métallurgie, en investissant dans un appareil productif plus moderne et moins polluant, mais aussi en créant des synergies avec d’autres secteurs. C’est notamment le cas des nouvelles usines de batteries électriques qui devraient voir le jour à l’horizon 2026 dans le Dunkerquois. « Elles auront besoin de métal » fait remarquer Hervé.

À Dunkerque, où la CGT avait organisé un meeting pour engager le combat pour la nationalisation d’ArcelorMittal le 23 janvier dernier, la perspective d’un départ d’ArcelorMittal suscite le rejet et l’incompréhension des citoyens.

Avant qu’il soit repris et prenne le nom de « Phare », le café dunkerquois de la rue L’Hermitte s’appelait « Borel », du nom des deux frères qui en étaient propriétaires. Le bruit courait alors que c’est là qu’il fallait aller pour être informé de l’actualité locale. Un élu avait même certifié : «  Chez Borel, l’information ne circule pas. Elle se crée ! » Mais aujourd’hui, plus personne, autour du zinc et de ses tireuses de bière, ne sait que penser. Les hauts-fourneaux d’ArcelorMittal semblent bien loin et bien froids, à l’est de la ville qui avait grandi à leur ombre. Carnaval fait grise mine.

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