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Secours populaire français
L'appel des Mahorais au Secours populaire français

« Il faut crier pour Mayotte ! »

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Mise à jour le 17 janvier 2025
Temps de lecture : 7 minutes

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Outre-mer Mayotte

Conduite par le secrétaire national Christian Lampin, une délégation du Secours populaire français s’est rendue à Mayotte du 20 au 27 décembre. Dans ses bagages : du matériel de communication et des filtres à eau. Une seconde délégation partira ce 7 janvier. Entretien.

Liberté Actus : Quel constat avez-vous fait durant votre séjour à Mayotte et quelle aide peut apporter le Secours populaire aux habitants ?

Christian Lampin : Les besoins sont énormes dans tous les domaines : l’eau, l’électricité, la santé, les vivres, etc. Ils existaient déjà avant le cyclone, mais ils sont décuplés aujourd’hui.

La rentrée scolaire est en principe prévue pour le 13 janvier, mais cela me semble très compliqué, d’autant que les enseignants sont nombreux à vouloir quitter l’île. Pour notre part, au Secours populaire, nous travaillons avec des associations partenaires locales comme nous le faisons ailleurs (au Mali, à Haïti, à Madagascar…). Nous avons ainsi rencontré l’association « Horizon » qui accueille des enfants et essaie de les scolariser ou de veiller à la continuité scolaire. Nous leur avons ramené une antenne satellite qui a été placée sur le toit de leur local, à Mamoudzou, des téléphones portables et un an d’abonnement de téléphonie mobile pour toutes les personnes qui se rendent à l’association. Il est essentiel pour les Mahorais de pouvoir communiquer.

Nous travaillons également avec une association d’étudiants à Dembéni, à 10 km au sud de Mamoudzou. L’université est le seul point d’accès au Wifi et les 1800 étudiants, qui viennent de toute l’île, sont à 50 % en situation de précarité. L’association lance des appels à la solidarité. Nous leur avons également donné des téléphones portables. Malheureusement, nous n’avons pu apporter des cartes SIM, notre système étant incompatible avec celui utilisé dans l’Océan Indien. Nous espérons trouver rapidement une solution.

L.A : Mais pour communiquer, il faut de l’électricité pour, par exemple, recharger les téléphones…

Ch. L. : Bien-sûr. C’est pour cela que nous avons remis des batteries solaires. Les coupures d’électricité sont incessantes. Les lignes sont par terre et les réparations sont très compliquées. Durant notre séjour, nous n’avons jamais eu d’eau et d’électricité en même temps.

L.A  : Pour l’eau, précisément, qui était déjà très rationnée avant le cyclone, que pouvez-vous faire ?

Ch. L.  : Nous avons offert des pompes et des filtres à eau pouvant filtrer 150 litres à l’unité. À Mayotte, où la température montre jusqu’à 35°, les gens n’ont qu’une bouteille d’eau potable par jour. L’aide apportée par l’État français arrive essentiellement par avion jusqu’à l’aéroport de Mamoudzou puis est réacheminée par hélicoptères qui déposent les packs sur le terrain. L’armée ou la sécurité civile se chargent ensuite d’approvisionner les grandes villes. Les habitants doivent se fournir dans les centres d’action communaux ou dans les centres de la Croix Rouge. C’est donc long et de toute façon insuffisant. Et cela se limite aux grandes villes.

Les agriculteurs ont un besoin urgent de semences

L.A : Outre les associations, êtes-vous allés à la rencontre des habitants, hors des villes ?

Ch. L. : Tout à fait. Nous sommes sortis de notre zone de confort pour nous rendre dans les villages et rencontrer des agriculteurs, dans le nord de l’île qui a particulièrement souffert. Ces derniers ont tout perdu. Ils déblayent leurs parcelles avec le peu de moyens dont ils disposent. Ils auraient par exemple besoin de tronçonneuses. Mais surtout, et ainsi que nous l’a expliqué le président du Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef), Ali Fouad, ces agriculteurs veulent replanter le plus vite possible. Pour cela, ils ont besoin de graines et de semences pour le manioc.

Ils veulent aussi recultiver la banane. Tout a été détruit. Mais ces besoins sont très urgents. La saison des pluies va commencer. Elle s’étale sur les trois premiers mois de l’année. Or, les pluies sont la seule ressource d’eau à laquelle ils ont accès. Si les semences n’arrivent pas à temps, c’est-à-dire dès le courant de ce mois de janvier, la relance des cultures sera compromise. Le Modef et la Chambre locale d’agriculture savent où se fournir. Il reste à mettre en place la logistique et à débloquer les aides financières nécessaires. Une prise de conscience du problème est indispensable. La solidarité internationale doit se mettre en œuvre. Nous enverrons pour notre part une seconde délégation du SPF, le 7 janvier. Elle s’intéressera plus particulièrement à ce secteur.

L.A : Au plus près, il y a les Comores…

Ch. L. : C’est vrai. Les Comores ont jusqu’ici envoyé deux navires chargés de vivres. Les autorités françaises leur ont interdit d’accoster.

« La question migratoire n’est pas un sujet »

L.A : Contrairement au Premier ministre François Bayrou, la délégation du SPF a dormi sur place. Comment cela s’est-il passé ?

Ch. L. : À part un hôtel Ibis, à Petite-Terre, occupé par la gendarmerie, il n’y a pas d’équipement hôtelier. Nous avons été hébergés chez l’habitant qui nous a réservé un très bel accueil. Lorsque nous sommes partis, une Mahoraise nous a dit : «  Quand vous repartirez à Paris, il faudra crier pour Mayotte !  » Dans les villages où nous sommes allés, les habitants n’avaient vu aucun visiteur, aucun représentant d’administration depuis le passage du cyclone.

L.A : Un dernier mot sur l’immigration ? Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a clairement dit vouloir « régler ce problème ». Pour sa part, le Premier ministre souhaite reposer la question du droit du sol.

Ch. L. : D’abord, le SPF ne sélectionne pas son aide en fonction des origines des uns ou des autres. C’est vrai que la question migratoire est une réalité. Mais on parle du même peuple. Ceux que l’on appelle « migrants », à Mayotte, sont des Anjouanais. Je ne vois pas comment on pourrait les empêcher de traverser (la traversée prend 40 minutes) depuis Anjouan, aux Comores, alors que dans le nord de la France, on ne parvient pas à empêcher les migrants d’embarquer pour l’Angleterre. Pour moi, ce n’est même pas un sujet.

Propos recueillis par Philippe Allienne
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