Les médecins et les étudiants en médecine sont vent debout contre la loi transpartisane portée par le député Guillaume Garot, dont l’article 1er prévoyant la régulation des installations a déjà été adopté par l’Assemblée nationale. Alors qu’un mouvement de grève est prévu cette semaine parmi les généralistes, les internes et les externes (médecins en formation), le premier ministre tente de rectifier l’assaisonnement. « La loi de la régulation autoritaire ne sera donc pas celle que nous retiendrons dans l’étape que nous ouvrons aujourd’hui ».
Le refus des médecins de s’installer dans des zones enclavées, où les services publics ont été démantelés tout comme les hôpitaux de proximité, semble avoir été entendu, en tout cas dans un premier temps. Mais il s’agit de trouver une solution urgente pour les six millions de Français n’ayant pas de médecin traitant.
En conséquence, au nom de la solidarité confraternelle, les médecins devraient aller consulter deux jours par mois en « zone rouge ». Sueur aux lèvres et mouchoir à la main, François Bayrou se dit déterminé. « Les préfets et les Agences Régionales de Santé n’interviendraient qu’en cas d’absence de réponse locale ».
Une déclaration qui suscite autant de perplexité que d’indignation chez les professionnels débordés quel que soit leur secteur d’installation. Qui les remplacera dans leurs cabinets s’ils vont en renfort en zone sous-dotée ? Leur absence ne pourra qu’allonger les délais de rendez-vous pour les patients qu’ils suivent habituellement et dégrader leur prise en charge. Les médecins qui exercent déjà en zone sous-dotée et qui absorbent les patients des zones rouges seront-ils concernés ?
Les salles d’attente sont pleines des conséquences des décisions politiques.
Comment déclarer avec un tel aplomb vouloir œuvrer pour « l’égalité d’accès aux soins » quand la Cour des comptes suggère de rembourser les médicaments en fonction des revenus des assurés qui participent à l’effort collectif, dénaturant le principe même de la Sécurité sociale : « chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins » ?
Quelle que soit la zone d’exercice, les salles d’attente sont pleines des conséquences des choix politiques successifs. 12 % de la population active est en situation de burn-out d’origine professionnelle, soit 3,2 millions de personnes. Selon le baromètre Santé Publique France 2021, trois femmes sur cinq et un homme sur deux déclarent des troubles musculo-squelettiques en lien avec leur travail, où les effectifs sont comprimés dans un objectif de rentabilité. Les inégalités sociales de santé sont renforcées par le mal logement, responsable de 130 000 décès en Europe.
48 000 décès prématurés seraient attribuables à la pollution de l’air en France chaque année. Depuis 1990, le nombre de cancers du pancréas a doublé chez les hommes et triplé chez les femmes. Une étude publiée fin 2024 incrimine l’exposition aux pesticides. Sans compter les répercussions de la malbouffe alors que l’inflation impacte le prix du caddie. En quoi délocaliser des consultations réglerait ces problèmes ? Les médecins refusent de payer l’addition d’une politique générale désastreuse en termes de santé publique, et de servir de pansement à des fins électoralistes.