Le tout dans un contexte de réchauffement climatique et de perturbations des écosystèmes favorisant l’implantation de vecteurs (tels que le moustique Aedes), qui sont désormais présents dans les régions tempérées du globe.
La grippe aviaire en ligne de mire
Parmi les maladies infectieuses émergentes, beaucoup sont des zoonoses dont l’agent d’origine animale - le plus souvent un virus - a franchi la barrière d’espèces pour atteindre l’homme (tels que SIDA, Ebola, SRAS) lorsqu’un réarrangement de gènes ou des mutations du génome génèrent parfois de nouveaux agents capables de se transmettre d’homme à homme.
Historiquement, parmi les virus de la grippe, les souches H5N1 ont représenté des menaces importantes pour la santé humaine en raison de leurs taux de mortalité élevés et de leur potentiel de transmission : or, ce sont des souches H5N1 de grippe aviaire qui ont été détectées pour la première fois chez les humains à Hong Kong en 1997 lors d’une forte épizootie (épidémie entre animaux) liée à des virus influenza A(H5N1).
Ces virus circulent depuis jusqu’aux régions polaires où des rapports indiquent que plus de 30 000 otaries sont mortes récemment.
Depuis début 2024, un virus influenza A(H5N1) circule chez les vaches laitières aux USA avec des transmissions chez l’Homme, les volailles et les chats. Le nombre d’infections chez les mammifères, ainsi que la variété des espèces touchées, fait craindre l’émergence d’un virus plus adapté aux mammifères, capable de se diffuser dans la population humaine.
Pour le moment, on ne signale que quelques cas suspects de malades n’ayant pas eu de relation avec l’élevage. Mais une étude récente menée par des scientifiques du Scripps Research révèle qu’une mutation unique dans le virus H5N1 de la grippe aviaire, récemment détectée chez des vaches laitières aux États-Unis, pourrait améliorer la capacité du virus à se lier aux cellules humaines, augmentant ainsi le risque de transmission interhumaine. Ces travaux, publiés dans la revue Science le 5 décembre 2024, soulignent l’importance cruciale de surveiller l’évolution de ce virus.
Fièvre, toux et autres symptômes
Médicalement, chez l’homme, les premiers symptômes dus aux virus grippaux zoonotiques sont similaires à ceux de la grippe saisonnière (fièvre, toux). Ces symptômes peuvent s’intensifier avec une difficulté à respirer. Des symptômes gastro-intestinaux tels que la diarrhée, la nausée et des douleurs abdominales, ainsi que des symptômes neurologiques, peuvent apparaître et se compliquer comme une surinfection et un syndrome de défaillance multiviscérale. (À noter qu’ils peuvent aussi être responsables de conjonctivites liées à l’inoculation manuportée du virus dans l’œil.)
Le virus de la grippe aviaire A (H5N1) n’est donc pas un inconnu comme l’était le SARS-CoV-2, ce qui pourrait (en théorie) nous donner un léger avantage. Nous le connaissons depuis des décennies, quand il a commencé à infecter les humains en provoquant une pneumonie avec insuffisance respiratoire. Il s’est avéré mortel dans environ la moitié des cas, mais uniquement chez les personnes ayant eu des contacts étroits avec des volailles infectées, principalement en Asie du Sud-Est. Et cela a contribué à créer un faux sentiment de sécurité en Europe et en Amérique du Nord, où l’existence de protocoles sanitaires a induit un sentiment de sécurité et conduit à mésestimer la menace.
Un nouvel embranchement du virus a commencé à circuler en 2020, alors que les experts et les autorités se concentraient sur le coronavirus. Il s’est propagé des oiseaux aux mammifères marins, puis au bétail dans la lassitude de l’opinion publique qui ne voulait plus entendre parler de maladies infectieuses et de mesures de confinement.
Et dans ce contexte, si le futur secrétaire d’État à la Santé et aux Services sociaux, Robert F. Kennedy devient effectivement responsable de la santé publique américaine, il est raisonnable de craindre qu’au nom de la « liberté », il cherche à retarder autant que possible l’obligation de se soumettre à des tests et de porter des masques, sans parler des mesures plus restrictives de confinement.
Reproduire les erreurs d’avant COVID ?
Il est également peu probable qu’il soutienne et favorise le développement des nouveaux produits à ARNm déjà à l’étude qui deviendraient indispensables si la maladie commençait à se propager plus facilement parmi les humains et les animaux. (Un vaccin expérimental à base d’ARNm vient de montrer son efficacité en protégeant les furets contre le virus H5N1).
Dans un tel cas, les méthodes traditionnelles de culture du vaccin antigrippal à partir d’œufs de poule s’avéreraient trop lentes et quantitativement insuffisantes, surtout si le virus continuait à circuler parmi les volailles.
Robert F. Kennedy est un partisan des prétendus bienfaits du lait cru, il est idéologiquement opposé à la vaccination. Accepterait-il d’utiliser les stocks de vaccins contre le H5N1, détenus par le gouvernement américain, pour une campagne commençant au moins par les agriculteurs, comme cela a été fait à titre prophylactique en Finlande avec des produits achetés conjointement par 15 pays européens ?
Les vaccins contre l’influenza aviaire seront proposés aux personnes qui pourraient être exposées à l’influenza aviaire. Les vaccinations devraient commencer dès que possible. La Finlande recevra des vaccins dans le cadre de l’achat conjoint de l’UE, auquel participent 15 pays. Le contrat-cadre a étésigné par l’Autorité de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire(HERA) de l’UE au nom des États membres participants.
La coïncidence entre les nominations annoncées par la nouvelle administration Trump et la propagation accélérée du virus mérite l’attention des décideurs et des professionnels de la santé du monde entier. L’expérience de la pandémie de COVID-19 aurait dû nous apprendre qu’ignorer une menace ne la fait pas disparaître. Et qu’au nom d’une gestion rationnelle, stocker des médicaments, des vaccins et des masques pour une maladie dont on ne sait même pas si elle se produira, n’est pas un gaspillage de l’argent des contribuables, mais une mesure de prudence.
Mais la prudence n’est qu’une option - souvenons-nous du premier mandat de Trump et des coupes budgétaires reléguant la santé publique au second plan…
Sources : Institut Pasteur - Univadis Italie - Vidal - Ministère de la Santé de Finlande