L’issue fatale était annoncée depuis plusieurs années, et notamment depuis 2023. Les derniers défenseurs de l’Ésad Valenciennes n’ont eu qu’à accepter l’inéluctable. Vendredi 27 juin, dans les locaux de l’avenue du faubourg de Cambrai (ancien siège d’Usinor), où était installée l’école depuis une vingtaine d’années, les 19 derniers diplômés et les 23 salariés (dont 14 enseignants) ont donné le clap de fin. Quelques jours plus tôt, ils avaient organisé une veillée radiophonique à Paris, lors de la Nuit Blanche du 7 juin, et, à Valenciennes, du 12 au 27 juin, une exposition des œuvres des anciens de l’école.
C’est que, au terme d’un long combat pour le maintien de l’école, il n’était pas question de la laisser mourir dans le silence et l’indifférence. Il faut dire que l’établissement a été créé en 1782 et aurait pu fêter dignement ses 243 ans cette année. Sauf que le préfet du Nord prononcera officiellement sa dissolution le 31 décembre prochain.
Un déficit de 300 000 euros
La nouvelle a été connue officiellement dès l’été 2023, à l’occasion d’un conseil d’administration où a été annoncée la perte de l’accréditation de l’Ésad par les ministères de la Culture et de l’Enseignement supérieur. Or, cette accréditation est indispensable pour délivrer le diplôme national d’art (DNA) de niveau Bac+3 et le diplôme national supérieur d’expression plastique (DNSEP) de niveau Bac+5.
Les luttes des étudiants et des enseignants (avec occupation des locaux) n’auront rien changé. L’école a cessé dès 2023 de recruter des étudiants sur la plateforme Parcoursup. Elle a également dû annoncer la fin du master DNSEP. Si les étudiants inscrits ont pu achever leur cursus de licence ou de master, il n’y avait plus personne en première et en quatrième année.
L’Ésad fait les frais d’un déficit de 300 000 euros inscrit dès 2022. Les ministères de tutelle ont refusé de la soutenir. Mais le statut de l’école, « école publique territoriale », la place aussi sous la tutelle des collectivités locales, en l’occurrence la Ville et la Communauté d’Agglomération de Valenciennes. Or, celles-ci ont également refusé de sauver l’établissement, arguant qu’il avait épuisé son fonds de roulement. Des suppressions de postes d’enseignants et des passages à mi-temps, ainsi que d’autres efforts pour retrouver l’équilibre financier, n’ont pas suffi.
Réduction drastique des subventions municipales
Autre élément, le maire (UDI) de Valenciennes, Laurent Degallaix, a prévenu dès 2012 de sa volonté de réduire les subventions de l’Ésad. De fait, dix ans plus tard, la part de la municipalité est passée de 1,4 million d’euros à 350 000 euros. Les dés étaient déjà jetés.
Il existe en France 35 écoles d’art publiques relevant du même statut (école publique territoriale) qui offrent une réelle alternative aux formations coûteuses du privé. Même si les étudiants de l’Ésad, par exemple, n’avaient pas les mêmes droits que les étudiants du public. Aujourd’hui, un tiers au moins de ces établissements craignent pour leur avenir et ont déjà dû réduire la voilure (moins d’intervenants, réduction des heures d’atelier, augmentation des frais de scolarité…) D’ailleurs, si l’on remonte aux treize dernières années, l’école de Valenciennes est la troisième à fermer ses portes après celle de Rueil-Malmaison, en 2012, et de l’École nationale des Beaux-arts de Perpignan en 2014. Aujourd’hui, l’école de Poitiers n’en mène pas large avec un déficit d’environ 1,2 million d’euros.
Selon l’Association nationale des écoles supérieures d’art et de design (Andéa), le ministère de la Culture a diminué sa dotation aux écoles d’art territoriales de 14 % si l’on tient compte d’une non-réévaluation de sa participation. À Valenciennes, même si les étudiants peuvent se tourner vers les écoles d’art de Tourcoing, Cambrai ou Dunkerque, ils n’y trouveront pas la spécialité qui était propre à l’Ésad, le design éco-social. En 2022, la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) avait émis l’hypothèse de mettre en place une nouvelle formation publique. Une idée qui se fait attendre.