Les explications de son président national, Eddie Jacquemart.
Quel constat pouvez-vous nous livrer sur la situation du logement en France, à l’heure où nous parlons ?
Les promoteurs, les agences immobilières, les notaires, le logement privé, le logement social, les associations de locataires, les associations d’insertion, les associations caritatives, etc., bref, tous les acteurs du logement disent : « Attention, crise, crise, crise. » Crise de l’offre parce qu’il y a beaucoup moins de logements sur le marché, tant privé que social.
Sur le marché privé, il est difficile d’acheter et les propriétaires sont réticents à mettre leurs biens sur le marché parce qu’ils craignent les loyers impayés. Soit ils les gardent en résidences secondaires ou en logements vacants, soit ils les mettent en Airbnb, gonflant ainsi cette crise de l’offre.
Et puis, il y a aussi une crise au niveau du parc social. L’an dernier, on a construit moins de 85 000 logements (82 000 exactement). Cela veut dire que des deux côtés, privé et public, le marché immobilier locatif est en restriction.
En conséquence, les gens qui n’ont pas accès au privé se dirigent vers le parc social. Le chiffre de demandeurs de logement social explose avec une file d’attente qui atteint 2,7 millions de dossiers. Et cela, dans un pays où il ne devrait pas y avoir de crise du logement.
Voilà un tableau bien sombre. Quelles sont les conséquences pour les gens ?
Cette crise est grave. Les candidats malheureux au logement peuvent du coup être privés d’emploi. Ensuite, comme l’encadrement des loyers n’est pas appliqué partout, en zones tendues, les loyers ont tendance à augmenter. Or, tout ce que les locataires dépensent dans leur loyer, ils ne le dépensent pas pour les biens de consommation qui leur sont nécessaires. Et on en est là parce que, depuis 2017 et son arrivée à l’Élysée, le président Macron a attaqué le logement social de plein fouet.
La loi Elan a cassé notre modèle de logement social au profit de la financiarisation, à terme de ce dernier. Emmanuel Macron a ponctionné les ressources des bailleurs sociaux en mettant en place la Réduction de loyer de solidarité (RLS) pour compenser la baisse des APL. En fait, la RLS n’a rien à voir ni avec une réduction des loyers, ni avec une quelconque solidarité.
En réalité, la RLS n’est rien d’autre qu’un impôt sur les sociétés pour les HLM. Depuis la mise en place de ce dispositif, l’État a ponctionné environ 10 milliards d’euros (à raison d’1,3 milliard par an) dans les ressources des bailleurs sociaux. Conséquences pour les locataires : les programmes de rénovation des logements n’ont pu tous être menés à terme, des programmes de construction ont été abandonnés, des restructurations internes des bailleurs [fusions d’offices pour éliminer les plus petits, ainsi absorbés par les plus grands – ndlr] qui ont conduit à l’éloignement des services de proximité. On a maintenant des bailleurs à 100 000 logements par territoire.
« Avec la fusion des offices publics d’HLM, voulue par la loi Elan, et donc la disparition de petits organismes, la CNL a perdu une centaine d’élus. Par effet mécanique, la loi affaiblit le poids des administrateurs dans les offices. » Eddie Jacquemart
L’Assemblée nationale est en train d’examiner le budget pour 2025. Ce sera un budget d’austérité. À quoi le logement social doit-il s’attendre ?
Les éléments dont nous disposons sont très inquiétants parce qu’il ne faut pas s’attendre à une hausse des moyens. Valérie Létard n’est pas la ministre du Logement. Elle est la ministre de la crise du Logement ! Elle n’a aucune marge de manœuvre. La construction ne va pas s’améliorer, les aides au logement, comme les APL, ne seront sans doute pas revalorisées, etc.
Dans ce contexte, votre confédération réclame un gel des loyers.
C’est notre grande revendication actuelle. Depuis 2021, les locataires, tous secteurs confondus, se sont pris 10 % d’augmentation de loyer (environ 3 % par an). Au troisième trimestre, il y a une augmentation de 3,26 % si je me réfère, pour le secteur social, à l’indice de référence des loyers (IRL). Nous nous battons donc pour le gel des loyers mais nous ne sommes pas entendus par les bailleurs sociaux. Ces derniers nous répondent qu’ils n’ont pas de ressources et qu’ils sont ponctionnés par la RLS. Pourquoi ne demandent-ils pas à la ministre de compenser ? Une fois de plus, les locataires sont sacrifiés, après avoir subi l’inflation, le prix des carburants, l’explosion des charges locatives, le chauffage, etc. Les bailleurs ne sont pas responsables de tout. Mais c’est à eux que revient la responsabilité des loyers, c’est là qu’il faut agir. Parmi les revendications de la CNL, il y en a deux qui sont essentielles : le gel des loyers et la construction de logements sociaux.
La trêve hivernale va empêcher les expulsions durant quelques mois. Mais après ?
De nombreux locataires seront en grande difficulté. Nous demandons un moratoire sur les expulsions. Nous appelons aussi les locataires à signer notre pétition sur nos revendications. Lancée le 6 septembre sur notre site internet, elle a recueilli à ce jour 35 000 signatures. Comme le rappelle le texte, il est temps d’agir. Et en premier lieu, pour construire du logement social, il faut supprimer la ponction de 1,3 milliard d’euros via la RLS. Nous avons un super patrimoine commun, il faut le maintenir, l’entretenir et il faut construire. C’est comme cela que l’on peut régler la crise du logement.