Mercredi soir, dans plusieurs villes de France, les organisations de soutien à Georges Ibrahim Abdallah avaient organisé des rassemblements pour réclamer sa libération. À Paris, la manifestation avait été interdite par la préfecture qui invoque un « contexte social et international tendu ». Elle craignait un trouble à l’ordre public. À Toulouse, non loin de la prison de Lannemezan où est incarcéré le militant, environ 300 personnes se sont réunies. À Lille, ils étaient une cinquantaine, avec le renfort des sans-papiers qui s’étaient joints au rassemblement avec l’AFPS, l’UD CGT du Nord et des militants communistes.
Libérable depuis 25 ans
Le représentant du Comité des sans-papiers du Nord (CSP59), Saïd Bouamama, avait prévenu, tempérant l’optimisme d’autres militants : « Si Georges Abdallah n’est pas libéré demain, il nous faudra tout de suite mettre la pression sur les États-Unis ». Car les soutiens le répètent à l’envi, si Abdallah a entamé sa 41ᵉ année d’emprisonnement, alors qu’il est libérable depuis 25 ans, c’est que les États-Unis ne veulent pas le voir sortir et y vont de leur influence sur la France.
Arrêté le 24 octobre 1984 à Lyon, il était accusé de complicité dans les assassinats, deux ans plus tôt à Paris, du diplomate américain Charles Robert Ray et du diplomate israélien Yakov Barsimantov. Il a été condamné à la prison à perpétuité en 1987. Mais au regard de la loi française, il est libérable depuis 2004. Les dix demandes de libération qu’il a faites ont été refusées. Le tribunal d’application des peines de Paris expliquait jusqu’ici sa décision en disant qu’il fallait au préalable un arrêté d’expulsion. La dernière fois, en 2013, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Manuel Valls, avait refusé cet arrêté.
Les choses ont pourtant changé depuis le 15 novembre dernier. Le tribunal d’application des peines antiterroristes avait en effet ordonné sa remise en liberté avec expulsion immédiate vers le Liban. C’est d’ailleurs ce que demande Georges Abdallah. Par ailleurs, et ce n’est pas négligeable, le tribunal avait estimé que le prisonnier est le « dernier vestige du groupuscule d’obédience laïque, marxiste, communiste des Fractions armées révolutionnaires libanaises », les Farl dont il était l’un des créateurs. Le tribunal précisait que cela appartient désormais « à l’histoire aujourd’hui révolue de l’activisme violent de l’ultra gauche » libanaise et palestinienne. Il précisait enfin que cet activisme n’est « à l’origine d’aucun attentat en France ou ailleurs depuis 1984. »
Une perpétuité réelle ?
Cela n’a pas empêché le Parquet antiterroriste de faire appel. La décision du tribunal avait alors été suspendue et l’affaire avait été réexaminée par la cour d’appel de Paris le 19 décembre. Elle devait rendre sa décision ce 20 février, mais a finalement décidé de la reporter au 19 juin. En cause : elle reproche à Georges Ibrahim Abdallah de refuser d’indemniser les parties civiles.
Si, dans quatre mois, la cour d’appel refuse à nouveau sa mise en liberté, il pourra demander un pourvoi en cassation. En tout cas, Georges Abdallah (73 ans) est à ce jour le prisonnier le plus ancien de France. Pour son avocat, Me Jean-Louis Chalanset, « si la cour ne fait pas droit à sa demande, cela reviendra à instaurer une perpétuité réelle, qui n’existe pas en droit français. »