Rien ne justifiait plus de garder Georges Ibrahim Abdallah derrière les barreaux. La Cour d’appel de Paris a enfin ordonné sa libération conditionnelle ce jeudi 17 juillet au matin. Il sortira de prison vendredi 25 juillet et il est probable que les forces de l’ordre l’emmèneront à l’aéroport de Tarbes où il prendra un vol en direction de Paris avant de partir pour Beyrouth où les autorités libanaises confirment leur accord pour l’accueillir.
Le risque d’une « perpétuité réelle »
La décision de la Cour d’appel assortit en effet la libération conditionnelle d’Abdallah à l’obligation de quitter le territoire français. Le Parquet général peut toujours introduire un pourvoi en cassation contre cette décision, il ne serait pas suspensif et n’empêcherait donc pas le retour à Beyrouth.
Georges Ibrahim Abdallah avait été arrêté le 24 octobre 1984 à Lyon. Il avait été accusé de complicité dans les assassinats, deux ans plus tôt à Paris, du diplomate américain Charles Robert Ray et du diplomate israélien Yacov Barsimantov. Il n’a jamais reconnu son implication mais il avait qualifié ces assassinats « d’actes de résistance » contre « l’oppression israélienne et américaine. » C’était dans le contexte de la guerre civile libanaise et de l’invasion israélienne au sud-Liban, en 1982.
En 1987, il a été condamné à la prison à perpétuité. Or, la perpétuité « réelle » n’est pas possible au regard de la loi. Il était donc libérable à partir de 2004. Pourtant, les multiples demandes de remise en liberté avaient jusqu’ici été rejetées. En 2013, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls avait refusé de délivrer un arrêté d’expulsion, empêchant ainsi sa libération.
Plus récemment, le 7 octobre 2024, le tribunal d’application des peines avait repoussé à février son audience prévue ce jour-là afin de statuer sur la libération d’Abdallah. Finalement, la décision de mettre fin à ce qui ressemblait fort à une « perpétuité réelle » vient de tomber.
Scandale politique
Ces tergiversations et refus, depuis plus de vingt ans, s’expliquent essentiellement par la pression des autorités américaines. En France, la justice avait admis que le prisonnier ne représentait plus de danger. Militant communiste et pro-palestinien, Georges Ibrahim Abdallah avait cofondé les Fractions armées révolutionnaires libanaises (Farl) qui avaient revendiqué cinq attentats en France, en 1981 et en 1982. Mais depuis 1982, ce groupe n’a plus fait parler de lui.
Pour l’avocat d’Abdallah, Me Jean-Louis Chalanset, la longueur de la détention de son client relève du « scandale politique ». Des comités de solidarité se sont mis en place depuis une vingtaine d’années, notamment autour du Secours Rouge International. En apprenant la décision de la Cour d’appel de Paris, ce dernier écrit que « Georges a offert à plusieurs générations de militants un immense exemple de résistance, et une résistance vivante, une résistance de tous les jours, qui non seulement tenait ferme ses positions, mais savait aussi les connecter aux luttes qui ont émergé après son arrestation. »
À Lannemezan, où est incarcéré Abdallah et où ses soutiens manifestent tous les ans, le collectif de soutien des Hautes-Pyrénées estime que « C’est une très forte émotion bien évidemment après des années de combat, mais aussi une souffrance de constater que dans le pays des droits de l’Homme, on peut laisser un homme incarcéré 42 ans. »
Le comité de Lille évoque quant à lui une personnalité, celle d’Abdallah, « qui nous a motivés pendant près de 20 années pour nous, à ne rien lâcher (…). »