Derrière la promesse d’ « efficacité », une autre réalité se dessine : celle d’une concentration inédite des moyens, des directions, et potentiellement, des lignes éditoriales.
Pour Octave Nitkowski, avocat en droit de la presse au barreau de Paris, la question centrale n’est pas celle de la fusion en soi, qui peut être un outil utile, mais de son objectif. « Créer une holding, pourquoi pas, mais au service de quoi ? » s’interroge-t-il. L’avocat alerte sur la logique économique et de centralisation de cette réforme.
Le projet de loi, tel qu’il est actuellement présenté, ne prévoit aucune garantie forte en matière d’indépendance. Bien que la loi prévoie que le directeur de France Médias soit nommé par l’Arcom pour une durée de cinq ans, ce mode de nomination est censé garantir une certaine indépendance vis-à-vis des pressions politiques. Seulement, en pratique, prévient Octave Nitkowski, les critères de l’Arcom restent flous, interprétables, et donc vulnérables. Le danger serait de voir cette structure centralisée en holding devenir un levier de contrôle, notamment en cas d’arrivée au pouvoir de l’extrême droite.
Le service public exposé à l’ingérence
Ce scénario n’a rien de fantasque. L’extrême droite, qui critique régulièrement l’audiovisuel public, appelle à sa privatisation. Mais l’expérience à travers le monde montre que, dans les faits, elle préfère souvent en prendre le contrôle pour en faire un outil d’influence. Concentrer les pouvoirs dans une superstructure comme France Médias reviendrait à lui livrer une porte d’entrée toute prête.
Depuis 1986, les médias publics ont une mission d’accès à l’information gratuite et pluraliste, notamment envers les territoires ruraux et ultramarins. Une fusion pourrait remettre en cause ce modèle. En centralisant, on affaiblit la couverture locale, on homogénéise les contenus, et on perd en richesse éditoriale.
« La fusion peut devenir un cheval de Troie contre le pluralisme », avertit Octave Nitkowski. Car plus on concentre, plus on ouvre la porte à l’ingérence. Moins les médias publics seront diversifiés et autonomes, plus ils seront exposés aux tentatives de contrôle politique.
La réforme actuelle, loin de renforcer l’audiovisuel public, risque donc de fragiliser ses fondations. Au moment où la défiance envers l’information progresse, où les grands groupes privés concentrent toujours plus de médias entre leurs mains, le rôle du service public est plus essentiel que jamais. Il ne peut être pensé qu’à travers le seul prisme de l’efficacité économique mais doit rester un espace de liberté, d’indépendance, et de pluralisme.