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Nicolas Penin, Grand Maître du Grand Orient de France

« Laissez l’autre terminer sa phrase ! »

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Un engagement maçonnique, initiatique et républicain. Ainsi se définit Nicolas Penin (originaire de Béthune dans le Pas-de-Calais), le nouveau Grand Maître du Grand Orient de France (GODF) qui, à 48 ans, vient d’être élu, pour un an, par les Conseillers de l’Ordre réunis à Lille, le 22 août, Grand défenseur de la laïcité et des valeurs républicaines, il a échangé avec Liberté Actus.

Cela veut dire quoi, être franc-maçon aujourd’hui, au Grand orient de France ?

Appartenir à une obédience maçonnique, c’est appartenir à une association philosophique, initiatique, avec une forme de spiritualité. Mais en même temps, il y a une forme d’engagement républicain assumé. C’est ce que l’on pourrait appeler l’objet social de notre association. Parmi les obédiences mondiales, le Grand Orient de France est majoritaire. Alors qu’elles sont pour la plupart déistes, nous sommes laïcs. Nous respectons un cadre où nous avons la liberté de croire ou de ne pas croire. Mais notre grande particularité, c’est cette fibre républicaine qui fait que nous sommes attachés à notre triptyque français et universaliste « liberté, égalité, fraternité ».

C’est donc à cela que l’on reconnaît un franc-maçon du Grand Orient de France ?

Je vais vous révéler un secret : comment on découvre que quelqu’un est franc-maçon. C’est celui qui vous laisse terminer votre phrase. C’est ce que je dis souvent aux hommes et aux femmes qui viennent à nos conférences publiques. Si vous regardez les chaînes d’information en continu, dans ce pays, vous verrez qu’il n’y a pas tellement de francs-maçons. Et dans les débats politiques, si certains sont francs-maçons, ils ne maîtrisent pas la méthode. Parce que cela commence par là : reconnaître l’autre comme tel. Or, nous sommes dans un monde d’émotions, d’instantanéité, d’invectives. Notre méthode maçonnique, par le respect, permet d’exercer la délibération, la réflexion, le débat. C’est pour cela que la société française trouve une forme d’attractivité dans le GODF.

Comment agissez-vous sur les valeurs républicaines auxquelles est attaché le GODF ?

Notre engagement maçonnique nous conduit à avoir une volonté de perfectionner l’humanité sur ces valeurs et principes constitutionnels. Comment agissons-nous ? Nous agissons sur nous-mêmes et envers nous-mêmes parce que nous travaillons en loges. Nous croisons et échangeons les richesses de l’ensemble de nos 54 000 membres lorsqu’ils se réunissent dans les 1 395 ateliers dans le monde (nous sommes une obédience mondiale). L’action passe par ce que chacun d’entre nous peut faire et en agissant dans la société. Non pas parce que nous avons un plan hautement organisé, mais nous essayons de faire en sorte d’agir sur tout ce qui peut nous permettre de ramener à la concorde, à la solidarité, à l’émancipation. Que cela soit dans les organismes politiques, les institutions, les associations, au travail.

Quelle influence, quel pouvoir < occulte, dit-on parfois > exercez-vous ?

Nous avons un pouvoir, mais comme tout à chacun, comme chaque citoyen lorsqu’il exerce son droit de citoyen. Un pouvoir « occulte », non. Quand vous allez sur le site du GODF, vous voyez parfaitement ce que l’on souhaite porter et nous ne nous en cachons pas. Lorsque nous avons à communiquer publiquement sur des prises de position conformes à nos principes, nous le faisons sans aucune difficulté. Ce qui peut paraître occulte, c’est le fait que nous pouvons nous découvrir ou pas. C’est notre droit à la discrétion. Il faut savoir que chacun des 54 000 membres du GODF a le droit de dire qu’il est franc-maçon. Mais il n’a pas le droit de dévoiler les siens. Il y a des frères et des sœurs qui assument et revendiquent leur appartenance, d’autres considèrent que cela relève de leur cercle privé. Ensuite, des méconnaissances font que l’on peut être l’objet d’actes ou de propos malfaisants ou blessant alors que c’est une pratique républicaine, associative. Nous ne sommes pas une société secrète.

Parlons actualité. Le conflit israélo-palestinien entraîne des prises de position extrêmes où l’on voit les uns dénoncer une exportation de ce conflit et un antisémitisme lié à un anti-sionisme. Et où, pour les défenseurs de la Palestine, on a l’impression que tout acte de solidarité avec les victimes de Gaza relève de l’antisémitisme. Quelle est l’analyse du Grand Orient de France ?

Suite à l’attentat contre la synagogue de La Grande-Motte, nous avons publié un communiqué qui a été co-signé par 50 obédiences sur notre opposition à cet antisémitisme. Un tel acte, quelle que soit la raison (l’origine, la religion, les croyances), n’est pas acceptable. Et on sait très bien que les citoyens d’opinion et d’option spirituelle juive sont les premiers boucs émissaires historiques. C’est contraire à nos valeurs universalistes et d’égalité. Et on sait très bien qu’après les juifs, il y a bien d’autres catégories de personnes dont on s’occupe dans ce type d’idéologie. Il faut férocement s’y opposer.

Oui, mais on voit bien que les repères sont de plus en plus flous. Les anti-islamistes d’hier, dans les années 1990 (la décennie noire en Algérie) semblent se sentir aujourd’hui obligés de défendre, ou de justifier, le Hamas et en face, on ne leur fait pas de cadeau en les assignant à l’antisémitisme.

Vous me décrivez un renversement des valeurs. Il faut bien avoir en tête que nous vivons dans une Europe en guerre, dans un monde qui est en guerre, dans une société qui est dans une tension extrême. Notamment une tension sociale, et c’est certainement l’une des questions à laquelle il faut répondre. Mais plutôt que d’y répondre, il serait peut-être tentant pour certains de stigmatiser ou de rechercher des coupables. Cela fait que nous sommes à la recherche d’un bouc émissaire : les musulmans, les juifs, les Français d’ailleurs, les migrants… Le Grand Orient de France n’est pas une recluserie. Nous ne sommes pas refermés sur nous-mêmes et nous avons bien l’ambition d’être ouverts sur le monde. De même, notre pays n’est pas une recluserie. L’Europe n’est pas une recluserie. Cela ne veut pas dire que, souvent, à des problèmes complexes, les réponses les plus simples sont les meilleures. Dans les renversements de valeurs que vous décrivez, on voit que l’on change de boucs émissaires. Peut-être que dans 20 ans, ou dans 30 ans, ou plus, on en aura trouvé d’autres ou on en reprendra parmi les anciens.

La rentrée scolaire vient d’avoir lieu. Vous pensez que l’école publique est en danger ?

L’école publique est maltraitée. Or, elle est l’endroit où les jeunes, et les républicains devraient être capables de se retrouver avec l’appui des familles et de l’ensemble de la nation. Elle doit permettre de donner les moyens aux citoyens de vivre dans une société qui ne soit pas une société de ségrégation et de séparatisme. Il ne faut pas aboutir à une situation où des enfants ne se croiseront jamais.

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