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Entre macronisme et lepénisme

L’audiovisuel public se fait des cheveux gris

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Mise à jour le 31 octobre 2024
Temps de lecture : 5 minutes

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Extrême droite Syndicalisme Dissolution Législatives 2024 Média

Il y a la période d’avant la dissolution de l’Assemblée nationale. La ministre de la Culture Rachida Dati préparait une fusion de l’audiovisuel public. Et puis, il y a eu la dissolution décidée par le président Macron. L’extrême droite menée par Jordan Bardella promet, si elle accède au pouvoir, de privatiser ce secteur. Dans un cas comme dans l’autre, l’information paierait le prix fort.

Petit rappel : l’audiovisuel public a été créé pour être un outil d’information, d’éducation et de divertissement populaire pour l’ensemble du corps social. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il s’agissait de construire des barrières pour se protéger d’un retour au pouvoir du fascisme, de l’extrême droite.

Quatre-vingt ans plus tard, après une histoire mouvementée et particulièrement évolutive, l’audiovisuel public est toujours là, face à une offre multiple de radios et de chaînes privées. Mais l’extrême droite est au seuil du pouvoir.

Dès le lendemain de l’annonce de la dissolution de l’Assemblée, le désormais ex-député RN du Nord Sébastien Chenu s’exprimait dans la matinale de la très privée et très droitière BFM/RMC pour affirmer l’intention de son parti : privatiser l’audiovisuel public. Jordan Bardella a confirmé ce projet par la suite.

Fragilisation de la démocratie

Mais bien avant cet épisode historique (une dissolution que peu comprennent), la ministre Rachida Dati promettait une fusion (avec la construction d’une holding) de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, l’Institut national de l’audiovisuel (INA).

Droite macroniste ou extrême droite lepéniste, notre audiovisuel public n’en mène de toute façon par large. Peu importe la sauce à laquelle ces deux dernières veulent le dévorer, « les deux projets sont aussi néfastes l’un que l’autre », estime Guillaume Le Gouic du Syndicat national des journalistes CGT (SNJ CGT). Le syndicat rappelle que le service public de l’information a déjà été fragilisé par la suppression de la redevance décidée par Emmanuel Macron en 2022. Pour les défenseurs de la fusion, il s’agirait de rendre les télévisions et les radios publiques plus puissantes et mieux visibles en s’appuyant sur des synergies complémentaires entre les différentes chaînes. Le projet a d’ailleurs déjà commencé localement entre France Bleu et France 3 qui portent désormais la marque « ICI ». Rachida Dati défend le projet en rappelant que « l’union fait la force ». Le SNJ CGT contre-attaque : « Toute fusion a pour but de réaliser des économies d’échelle. Preuve en est, rappelle-t-il, le mariage forcé en 2008 de Radio France International (RFI) et France 24 [qui] s’est traduit par deux plans sociaux (341 postes supprimés sur 1800 salarié(e)s ».

Une fusion coûterait cher et, il convient de le noter, aucun bilan des expérimentations en cours et des rapprochements engagés n’a été réalisé. « Nous ne sommes pas dupes, dit la CGT. Cette proposition de loi est un projet purement politique d’un pouvoir qui entend avoir un droit de regard sur les contenus de l’audiovisuel public et qui pourrait même parvenir à contrôler les lignes éditoriales des stations et des chaînes. Menacer l’indépendance et le pluralisme de l’audiovisuel public, c’est fragiliser la démocratie. »

Avec l’extrême droite au pouvoir et son projet de privatisation, on franchit un pas supplémentaire dans cette atteinte à la démocratie. Le SNJ CGT parle même de « danger de mort » pour les médias concernés. « Dans un contexte fortement marqué par une défiance généralisée, et dans un paysage médiatique toujours plus concentré aux mains de quelques grands groupes servant des intérêts privés, l’audiovisuel public constitue incontestablement aux yeux de la population un pôle de confiance. »

C’est en cela qu’une privatisation voulue par le Rassemblement national détruirait un contre-pouvoir potentiel à sa politique. « Au-delà de 16 300 emplois des entreprises de l’audiovisuel public (plus de 2000 personnes concernées) c’est également l’utilité sociale et démocratique de leurs missions qu’il faut défendre sans concession », écrit le syndicat dans un communiqué.

Les milliardaires en embuscade

« Encore faut-il trouver les repreneurs, prévient Guillaume Le Gouic. Le budget de France Télévisions s’élève à 2,4 milliards d’euros financés par la TVA, la publicité, les partenariats, les parrainages, etc. Sur ce budget, France TV octroie tous les ans un budget de 500 millions aux entreprises privées pour réaliser des téléfilms et autres productions. Cela m’étonnerait qu’un repreneur s’engage sur une telle somme. Cela mettrait donc en péril bon nombre d’entreprises du secteur privé. » Et de toute façon, il faudrait là aussi, s’attendre à un plan social drastique.

Évidemment, on imagine que les milliardaires qui règnent déjà sur de nombreux médias écrits et audiovisuels (comme Vincent Bolloré) ne manqueront pas de se montrer intéressés. La rente publicitaire, côté France TV, ne pourrait que les encourager. L’influence politique (pour la radio et la télévision) est un autre argument de poids. Qui ne rêverait pas de s’approprier la radio leader de France (France Inter) pour propager ses idées ultralibérales ? La liberté d’expression serait évidemment la première victime d’une privatisation.

Intervenant ce mardi matin, 25 juin, au Club de la presse des Hauts-de-France, l’avocat Octave Nitkowski ne cache pas ses craintes. Mais il rappelle qu’une telle opération pourrait être contrariée par les règles européennes.

Maigre consolation cependant. Le même avocat signale que les dangers pour la presse, face à un pouvoir d’extrême droite, sont multiples. Et un nouveau gouvernement, appuyé sur un nouveau Parlement, aurait tôt fait de changer les dernières lois protectrices pour les médias et les journalistes.

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