Après la décision de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), confirmée par le Conseil d’État, les chaînes C8 et NRJ 12 n’ont plus accès aux canaux réservés aux diffuseurs privés. Ces canaux ont été attribués à OFTV, du groupe Ouest-France, et à Réels TV, du groupe CMI TV-France rebaptisé T18 pour l’occasion. En réaction à la suppression de C8, le milliardaire Vincent Bolloré a décidé de retirer des diffusions hertziennes payantes ses quatre chaînes de Canal+. Les canaux hertziens ainsi libérés feront donc l’objet d’un nouvel appel d’offres par l’Arcom.
L’Arcom : un machin indépendant nommé par le pouvoir…
Rien que de très administratif dans toutes ces décisions. Sauf que… L’arbre bureaucratique cache souvent une forêt de non-dits politiques et les défenseurs des chaînes bannies de la diffusion, notamment C8, ne se privent pas de le rappeler.
L’Arcom compte neuf membres. Son président est nommé par le président de la République, trois membres par la présidente de l’Assemblée nationale, trois par celui du Sénat, un par le vice-président du Conseil d’État et un par le Premier président de la Cour de cassation. Donc, hormis le Président de la Cour de cassation, 8 des 9 membres sont liés aux pouvoirs politiques. Comme garanties d’indépendance, on fait mieux.
Quelles sont donc les raisons qui ont poussé cet aréopage de notables à retirer les possibilités de diffusion à C8 et NRJ 12 ?
Pour NRJ 12, pas d’implication politique. L’Arcom note que la chaîne s’engage à « consacrer la majeure partie du temps d’antenne à la diffusion de fictions audiovisuelles et de divertissements, genres déjà très représentés sur la TNT y compris sur les chaînes que l’Autorité a fait le choix d’autoriser… ». Difficile donc de comprendre pourquoi d’autres chaînes, aux programmes identiques sont autorisées à poursuivre. C’est le cas pour TFX (la 11), 6ter, RMC (23 et 24), Chérie 25 qui d’ailleurs appartient à NRJ Group.
C8 : des millions d’amendes…
Reste C8 dont quelques animateurs crient au complot, notamment le sulfureux animateur multimillionnaire (85 millions personnels) Cyril Hanouna.
Chouchou de Bolloré grâce à l’argent que font rentrer à Canal+ ses émissions, l’animateur a multiplié les clashs ces dernières années, totalisant 36 alertes et sanctions émises par l’Arcom à l’égard de C8 pour manquements à ses obligations légales. En sept ans, C8 a été sanctionnée par des amendes de un à plus de trois millions d’euros pour manquements à ses obligations dans les émissions d’Hanouna.
Ce n’est pas rien : publicités clandestines, présentation de personnes handicapées comme des toxicomanes, diffusion d’une théorie du complot sur l’adrénochrome (consommation d’une substance issue du sang d’enfants kidnappés et sacrifiés), insultes, diffusion de photos de Karine Ferri nue, canular téléphonique homophobe, pose de la main d’une chroniqueuse (sans son consentement) sur le sexe de l’animateur…
En outre depuis 2012, la chaîne a été interpellée 25 fois pour n’avoir pas respecté ses obligations : interview d’une ex-candidate de télé-réalité en situation de détresse, un mineur doit s’exprimer sur la reconversion de ses parents dans la pornographie, appel à un procès expéditif sur l’affaire Lola, baiser non consenti d’un chroniqueur sur la poitrine d’une invitée, propos discriminatoires sur des personnes handicapées, baiser forcé et attouchement sur une chroniqueuse, invitation de faux policiers de la Brav-M, diffusion d’un film anti-avortement, reportage falsifié, propos dégradants… La liste est trop longue. Pourtant, le très prude journaliste d’extrême droite Pascal Praud (CNews et Europe 1) y voit juste « des opinions discordantes […] que la bien-pensance dominante étouffe ».
Fusible utile…
Le problème est que la décision de l’Arcom évoque juste des manquements aux obligations, en insistant sur le manque de rentabilité financière de C8 et un nombre important de directs aux contenus mal maîtrisés. L’organisme précise aussi qu’il ne croit pas aux engagements du groupe de se réformer.
Au contraire, CNews qui multiplie les avertissements et amendes pour des raisons souvent plus ouvertement politiques, n’est pas frappée d’interdiction de diffusion. En 2024, CNews a été condamnée 9 fois contre 7 pour C8. Parmi les reproches, fausses infos sur l’IVG, sur la dégradation du climat, stigmatisations d’immigrés, fausses infos sanitaires sur les immigrés, sondage et infographies mensongers, temps de parole non-déclaré d’un candidat R.N., insultes contre les migrants et mensonges sur la guerre d’Algérie (Éric Zemmour), dépassement du temps publicitaire…
En frappant C8, l’Arcom n’a pas pris de risques. Il est toujours plus aisé de frapper un matamore de comptoir que des journalistes d’extrême droite, propres sur eux et en costume.
Canal+ se réorganise, les salariés trinquent
Vincent Bolloré, le milliardaire d’extrême droite (31,04 % des actions) et son président du directoire, Maxime Saada ne semblent pas plus inquiets que cela puisque l’affaire, outre sa couverture médiatique, leur permet de réorganiser le groupe Canal. L’introduction à la Bourse de Londres de la chaîne cryptée a permis à son état-major d’empocher de nombreuses actions gratuites et primes exceptionnelles. Mais cette action a vu Canal perdre 20 % de sa valeur. Qu’importe, les actionnaires vont se rattraper dans un premier temps en réorganisant le groupe.
Un plan social, annoncé dès décembre 2024, va frapper 212 salariés (monteurs, techniciens, costumiers, projectionnistes, rédactions, grands reporters, cinéma…) qui iront pointer à France Travail, ce que combat l’intersyndicale (CGT, CFE-CGC, CFDT et + Libres) du groupe. « Des métiers qui existaient en CDI chez Canal vont être soit externalisés, soit complètement arrêtés » d’après la CFE-CGC.
Pas d’inquiétude cependant pour Hanouna qui vient-il d’annoncer, va rejoindre M6 dès septembre pour un talk-show sur W9 et une émission sur Fun Radio. Sans compter qu’il pense se consacrer à l’échéance présidentielle de 2027.