La fonction publique territoriale – quelque 1,9 million d’agents employés par plus de 40 000 collectivités – accusait un retard criant en matière de couverture sociale. Plus de la moitié des agents n’avaient jusqu’alors aucun contrat de prévoyance, les laissant vulnérables en cas de longue maladie ou d’invalidité.
Ce décalage entre les risques réels (pénibilité des métiers, conditions de travail parfois éprouvantes) et la protection existante soulignait une profonde inégalité. Jusqu’ici, la participation des collectivités à la PSC était purement facultative, d’où des disparités extrêmes d’un territoire à l’autre. En l’absence de prévoyance, un agent pouvait perdre jusqu’à 50 % de son traitement après trois mois d’arrêt.
Un accord « historique »
Le 11 juillet 2023, pour la première fois dans la fonction publique territoriale, un accord collectif national a été signé entre les employeurs et les organisations syndicales représentatives. Il s’inscrit dans le prolongement de l’ordonnance de 2021 qui autorise les accords collectifs dans la fonction publique locale, hors intervention de l’État.
L’accord prévoit :
- La généralisation des contrats collectifs à adhésion obligatoire pour la prévoyance ;
- Une participation minimale de 50 % de l’employeur ;
- Le maintien de 90 % du revenu net en cas d’arrêt de travail prolongé ;
- L’instauration de dispositifs de pilotage local et national pour garantir équité et transparence.
Côté syndicats, la CGT a signé le texte en soulignant une avancée sociale importante, tout en insistant sur la nécessité de garantir une mutualisation la plus large possible et une vraie solidarité entre agents, quelles que soient leurs fonctions ou leur employeur.
Loi en cours : l’accord ne suffit pas
Problème, pour être pleinement applicable, l’accord doit être inscrit dans la loi. Or, dans l’attente de cette traduction législative, de nombreuses collectivités ont suspendu toute démarche.
Une proposition de loi transpartisane portée par la sénatrice MoDem Isabelle Florennes a donc été déposée. Elle vise à donner force légale à l’accord, en reprenant ses dispositions principales dans les trois premiers articles : contrats collectifs obligatoires, participation minimale de 50 %, encadrement national des pratiques. Le texte a été adopté au Sénat mais doit encore suivre son parcours parlementaire à l’Assemblée.
Si l’ordonnance de 2021 fixe déjà une obligation de participation des employeurs à la PSC prévoyance au 1er janvier 2025, le calendrier de mise en œuvre complète pourrait s’étaler jusqu’en 2028 ou 2029, pour laisser aux collectivités le temps de s’adapter.
Une avancée à consolider politiquement
La CGT, si elle salue l’accord, reste critique sur plusieurs points. Elle exige une adhésion obligatoire pour tous les agents, à l’image de ce qui a été obtenu dans certains ministères. Elle conteste les conventions de participation facultatives, estimant qu’elles ne garantissent pas une mutualisation suffisante, et demande une participation employeur plus élevée. Enfin, elle plaide pour intégrer la garantie de revenu dans le régime statutaire plutôt que de la déléguer à des opérateurs privés.
Elle a d’ailleurs refusé de signer plusieurs avenants au niveau interministériel, dénonçant un manque de loyauté du gouvernement dans les négociations et une logique de segmentation contraire à l’esprit de solidarité.
Derrière le débat technique, la réforme de la PSC touche à des questions fondamentales telles que le rôle social de la fonction publique, la solidarité entre agents, le lien entre protection sociale et conditions de travail. Alors que 64 % des collectivités déclarent des difficultés de recrutement, améliorer les droits sociaux des agents est un levier d’attractivité incontournable.
Mais la généralisation de la PSC pose aussi la question du modèle de protection sociale dans la fonction publique. Va-t-on vers un système à plusieurs vitesses, dépendant des arbitrages locaux ? Ou vers une véritable solidarité nationale, garantie par la loi et portée par l’État ?
Le texte doit encore être adopté par l’Assemblée nationale. En attendant, une FAQ nationale est disponible pour guider agents et employeurs. Mais la mobilisation syndicale reste indispensable pour que cette réforme ne reste pas un vœu pieux.