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Salon de l’Agriculture

Où en est la paysannerie française ?

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Mise à jour le 7 mars 2025
Temps de lecture : 5 minutes

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Agroalimentaire

L’édition 2025 du Salon de l’Agriculture s’est ouverte ce samedi 22 février. Comme à l’habitude, l’évènement est un objet politique qu’aucun dirigeant ne peut rater – pas même le président de la République. Après d’intenses mobilisations et les élections des Chambres d’agriculture, le « Salon » promet d’être riche en discussions.

Nous sommes allés à la rencontre de Jonathan Dubrulle, agronome et enseignant chercheur pour qui il faut « impérativement avoir une analyse territorialisée et sectorisée pour comprendre le monde agricole ». D’emblée, il souligne que « d’énormes disparités existent et se développent » mais que « globalement, le monde paysan vit de plus en plus mal ». Retour sur ces enjeux.

« Une grogne qui n’a rien de conjoncturel »

L’année 2024 a été difficile pour l’agriculture française. Nombre de catastrophes naturelles ont affecté les cultures et les élevages, des épidémies animales ont frappé les cheptels et les difficultés financières n’en finissent pas de grandir pour de nombreux agriculteurs. Mais, visiblement, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne.

Au sujet des mobilisations qui ont eu lieu ces derniers mois, l’agronome ne cache pas qu’une « partie des événements avait des visées électoralistes », à la veille des élections dans les Chambres d’agriculture. Mais il précise immédiatement qu’il serait faux d’analyser cette grogne des agriculteurs « de façon conjoncturelle », particulièrement pour les mouvements de protestation qui ont eu lieu en 2024. Pour lui, il faut lier cette situation à « la crise que vit l’agriculture depuis près de 50 ans ».

Et pour cause. Lors du recensement de 2020, l’INSEE chiffrait à près de 400 000 le nombre d’exploitations agricoles en France, contre près de 2,5 millions en 1955. Nul doute que l’industrialisation est passée par là, que la mondialisation et l’évolution des unités de production ont changé durablement le système agricole du pays. Mais pour Jonathan Dubrulle, il faut pousser la réflexion plus loin. Il y a eu un très fort mouvement de concentration des exploitations agricoles. Concrètement, « les exploitations sans suite ont été reprises par des voisins de plus grande taille ». « Un processus qui est bien connu » mais qui reste trop souvent occulté lorsqu’il s’agit de comprendre les raisons de cette colère. D’une agriculture essentiellement familiale, nous sommes passés progressivement à des unités de production de plus en plus capitalistiques, avec des quantités de capital toujours plus grandes incorporées dans le processus de production.

Si le gouvernement est en capacité de répondre aux demandes et exigences – parfois contradictoires – en matière de normes ou de subvention, il est incapable de répondre à cette crise structurelle. De toute évidence, la grogne perdurera.

« Le monde paysan n’est pas homogène »

Cette dynamique laisse, de fait, une place croissante au travail salarié. Sur ce point, notre agronome trouve salutaire de préciser que cette « salarisation » est de différentes natures : « cela va de l’externalisation à la salarisation mutualisée, avec des salariés partagés entre plusieurs exploitants, en passant par le salariat permanent ». Une « nouveauté » qui chamboule les us et coutumes d’un monde souvent considéré comme « en stagnation ». La place laissée aux salariés agricoles dans la composition des Chambres d’agricultures est, par exemple, très faible par rapport à la place qu’ils occupent désormais dans les unités de production. « Tout est à construire », résume Jonathan Dubrulle.

Mais il ne faudrait pas non plus « catégoriser trop vite les exploitants comme des employeurs au sens où on l’entend habituellement ». Leur « indépendance » est tout à fait relative pour la plupart, «  dans la mesure où ils sont totalement assujettis à la fois aux fournisseurs (engrais, matériel agricole, etc.) et à la fois à leurs clients, qui sont le secteur agroalimentaire et la grande distribution ».

C’est ce que Jonathan Dubrulle appelle le « capitalisme agraire » où l’on ne relève pas les mêmes dynamiques que dans d’autres domaines, notamment parce que « le fait de travailler avec du “vivant” fait que la production est plus imprévisible que dans l’industrie, par exemple ».

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