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Manifestation de compagnons sans papiers, mardi 2 juillet à Lille
Si l'extrême droite prenait les rênes

L’angoisse de Yacine, ouvrier immigré, compagnon d’Emmaüs

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Mise à jour le 7 août 2024
Temps de lecture : 4 minutes

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Luttes Justice

Yacine, la quarantaine, contemple sa tasse de café sans presque y toucher. Assis en terrasse, à la table d’un bistrot proche du théâtre Sébastopol, à Lille, il semble serein. Mais au fil de la conversation qu’il nous accorde, l’angoisse est perceptible.

Il est arrivé d’Algérie, son pays natal, depuis un peu plus de deux ans. « Les images que l’on voit de la France à la télévision laissent toujours penser que ce pays est un paradis », sourit-il. Là-bas, il était commerçant. À près de quarante ans, il ne se voyait pas d’avenir acceptable. Alors, ce célibataire a choisi de partir, d’émigrer vers la France. Il a débarqué dans la métropole lilloise et, par le biais des réseaux de solidarité, il a été accueilli par Aida, l’Association Insertion Demandeurs d’Asile qui est une émanation d’Emmaüs. Et celle-ci l’a orienté vers la Halte Saint-Jean, une très importante communauté Emmaüs dirigée par Anne Saingier.

Sans logement, sans emploi et sans papiers, Yacine y a trouvé un hébergement provisoire contre l’exécution de travaux bénévoles. Au départ, il imaginait un dépannage pour quelques jours, voire quelques semaines. Très vite, il donne satisfaction au point que la directrice lui offre de rester, moyennant une rémunération. Dans l’atelier d’Emmaüs, il répare des appareils d’électro-ménager, les teste et les envoie dans la boutique proche que gère la communauté pour revente auprès du public en quête d’équipements recyclés.

Mais à la fin du mois, la rémunération versée sur le livret A de Yacine ne dépasse guère 150 euros. C’est d’autant peu qu’il lui faudra payer des charges (électricité, eau, etc.) qui passeront rapidement de 45 à 75 euros. Il devrait aussi participer aux frais de repas. Il n’est pas seul. Autour de lui, 21 personnes sans papiers, avec neuf enfants, sont dans le même cas. Face à leurs accusations, le préfet intervient et, le 13 juin 2023, une perquisition est menée par la police au sein de la Halte Saint-Jean.

Deux semaines plus tard, début juillet 2023, les 21 compagnons concernés se lancent dans une grève qui dure encore à ce jour. La directrice Anne Saingier, le président Jean-Pierre Duponchel et Alexis Kotowski, le directeur d’Emmaüs Nieppe, où une grève est également suivie pour les mêmes raisons par neuf compagnons sans papiers, répondent devant le tribunal de Lille d’accusations de travail dissimulé. Anne Saingier est également accusée de harcèlement moral.

Mais pour Yacine comme pour les autres, une promesse de régularisation, après trois ans de travail, avait été faite oralement. Sauf qu’il n’existe aucun contrat de travail et que les conditions de travail (sécurité, horaires, refus des arrêts maladie…) ne sont pas respectées. En outre, il semble qu’une caisse de secours, la « Caisse du père Léon » (du nom du fondateur, aujourd’hui décédé, d’Emmaüs de Bruay La Buissière), serve à payer les compagnons en évitant les cotisations Urssaf. Lors du jugement des trois responsables, le 13 juin, le procureur a requis des peines de prison avec sursis et des amendes. Le tribunal rendra son jugement ce vendredi après-midi.

En attendant, Yacine n’est pas tranquille. Quel que soit le jugement, il a connu un démarrage douloureux de la vie en France. Cela en dit long sur la considération que peut avoir, même une association dite « humanitaire », à l’égard de travailleurs immigrés.

Que se passera-t-il en cas de victoire, dimanche 7 juillet, du Rassemblement national qui confirme vouloir faire la chasse aux binationaux et aux immigrés ? « Pour l’instant, j’ai obtenu mes papiers, je recherche du travail et je vais faire une formation dans les métiers de l’électronique », confie Yacine. Mais avec Bardella et l’extrême droite à la barre, qu’en sera-t-il, surtout s’il est chômeur, au moment de sa demande de renouvellement de sa carte de séjour ?

Elles et ils sont nombreux, en ce début juillet, à s’inquiéter pour leur avenir proche et pour celui de leurs familles.

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