Métro, c’est trop ! Le vieux jeu de mots semble bien éculé. Pourtant, plus de 40 ans après le lancement du métro lillois, il pourrait nous tenter. Dix jours avant le début des Jeux olympiques et des épreuves prévues au Stade Pierre Mauroy de Villeneuve d’Ascq et dans d’autres villes, le transporteur découvre un problème lié à la présence d’amiante dans ses ateliers de maintenance et sur du matériel roulant. De quoi désorganiser une bonne partie du système de mobilité par métro et tramway.
Fortes perturbations sur la ligne 2
La ligne 2 du métro, entre l’hôpital Saint-Philibert (Lomme) et l’hôpital Dron (Tourcoing), est la première à se trouver perturbée. À partir du 22 juillet, il n’y a plus qu’un métro toutes les quatre minutes et les usagers se serrent comme ils peuvent dans les rames. « Même en période de grève suivie, la fréquence ne descend pas en dessous de 2 minutes 15 ! », estime un syndicaliste. Aux heures de pointe, avec la chaleur, l’atmosphère est irrespirable. La situation empire le 26 juillet. Désormais, sur cette même ligne, la durée d’attente passe à neuf minutes et il n’est plus possible de prendre le métro à l’arrêt de la gare Lille Flandres. Pour Ilévia, il s’agit d’empêcher un trop plein de public sur les quais. Pour les usagers, c’est la galère avec une correspondance qu’il faut aller prendre à pied à la gare Lille-Europe. Sur les quais, les médiateurs mis en place par Ilévia répètent inlassablement que c’est facile et qu’il n’y a que deux minutes de marche entre les deux gares (les panneaux indiquent 10 minutes !). Surtout, aucune information n’est fournie, ni sur les affichages, ni dans les messages vocaux. Sans l’aide des smartphones et des QR Codes, on se débrouille.
Le reste est à l’avenant. Certes, explique la CGT d’Ilévia, la direction met le paquet sur la ligne 1 en raison de l’enjeu olympique. C’est cette ligne qui dessert le stade Pierre Mauroy. « Mais on peut craindre une surcharge qui pourrait mener à des pannes. Et là, on ne répond plus de rien. » D’autant qu’en situation « normale », les pannes de métro et de matériel (les escalators) ne sont pas rares.
Le tramway est également concerné. Sur les vingt voitures qui circulent habituellement entre Lille-Flandres et l’arrêt Croisé Laroche (Marcq-en-Barœul), il n’en reste que trois quotidiens. L’arrêt des maintenances explique là encore ces restrictions. Pour le tramway, comme pour le métro, la direction d’Ilévia-Keolis n’a pas su anticiper. Tout au plus met-elle des bus relais pour tenter de répondre à la demande.
Danger grave imminent
Les syndicats ne comprennent pas. La CFDT d’Ilévia a alerté la direction dès le mois d’avril, lors d’une visite préparatoire. La CGT a emboîté le pas. « Lors d’une visite préparatoire, raconte un syndicaliste de la CGT, un élu du CSE constate que certaines pièces métalliques ont un revêtement amianté. Cela concerne le matériel ferroviaire, donc les métros VAL. » Mais lorsque les représentants des salariés interrogent la direction, celle-ci répond de façon très vague, comme si le problème passerait inaperçu.
Peine perdue, en mai, un délégué syndical alerte la direction sur des meulages de peinture qui ont lieu à l’atelier Dron (au terminal du métro, à Tourcoing). Ces meulages sont réalisés sur des pièces contenant apparemment de l’amiante. Si le doute n’est plus permis pour les salariés, un nouveau chantier de meulage va pourtant être lancé. Or, expliquera un sachant amiante approché par la CGT (en fait un expert extérieur), meuler des pièces amiantées, ou proches d’éléments contenant de l’amiante, est particulièrement dangereux.
La direction d’Ilévia ne prendra finalement les choses au sérieux qu’à partir du mois de juin, à quelques semaines du démarrage des JO et d’une hausse importante de l’affluence des voyageurs.
Les choses vont alors se gâter. Lors d’un CSE extraordinaire consacré à la présentation des comptes, le Directeur des ressources humaines confirme la présence d’amiante sur certains prélèvements effectués. Les syndicats sont estomaqués et déposent un avis de « danger grave imminent ». La CGT et la CFDT contactent ensuite l’inspection du travail qui, une fois informée, adresse un courriel à la direction de l’entreprise en demandant, sur les principes généraux de prévention, de mettre en sécurité les salariés de l’entreprise. Il a donc fallu que l’inspection du travail entre dans la boucle pour que soit ordonnée la fermeture des sites de maintenance (il y en a trois).
Plus tard, les syndicats — jamais au bout de leurs surprises – apprendront que l’entreprise ne respecte pas forcément la norme (dite norme NF.F01-020) qui précise la méthodologie de repérage amiante à bord du matériel ferroviaire. Cette norme est obligatoire depuis le 1ᵉʳ janvier 2020.
« Nous avons consulté le document unique d’évaluation des risques professionnels, conclut la CGT. Nous n’y avons rien trouvé par rapport à la protection des salariés. » Alors, négligence grave ou ignorance réelle de cette présence de l’amiante ? La CGT assure que l’amiante est au moins présente sur les composants d’un type de métro, le VAL 206, depuis 1998. Pour les syndicats, un tournant grave a été pris par le service DRH d’Ilévia-Keolis qui ne les écoute pas et préfère s’en remettre à des cadres détachés.
Cerise sur le gâteau : la gravité du sujet et les perturbations qui se répercutent sur la mobilité du public n’ont pas freiné Ilévia pour mettre en œuvre les augmentations tarifaires prévues au 1ᵉʳ août.