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Antonin Albert/shutterstock
Fonction publique en danger

Un ministre liquidateur aux commandes

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Mise à jour le 22 novembre 2024
Temps de lecture : 7 minutes

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Luttes CGT Syndicalisme Gouvernement

Réunis ce jeudi matin, 14 novembre, les syndicats appellent à une journée d’action, de rassemblement et de grève sur l’ensemble du territoire le 5 décembre. L’intersyndicale regroupe les organisations de la fonction publique CGT, CFDT, UNSA, FSU, Solidaires, CFE CGC, FA-PT. Elle se mobilise contre les annonces du ministre de la Fonction publique et réclame des moyens budgétaires à la hauteur.

C’était le 8 novembre dernier. Le ministre de la Fonction publique Guillaume Kasbarian annonçait l’abandon du projet de fusion des trois catégories (A, B, C) de la fonction publique prévue par son prédécesseur Stanislas Guerini. Pour autant, il ne renonce pas au projet de réforme de ce dernier.

À la veille de son annonce, Guillaume Kasbarian avait vécu une réunion agitée avec les syndicats de fonctionnaires. Le système des catégories auquel voulait s’attaquer le gouvernement permet de classer les fonctionnaires en fonction de leur niveau de diplôme. Pour Stanislas Guerini, sa suppression était un point fort de la réforme qu’il envisageait de présenter à l’automne. La dissolution de l’Assemblée nationale a retardé son projet. Mais en reprenant les rênes du ministère, Guillaume Kasbarian compte bien s’attaquer vigoureusement au statut de la fonction publique avec pour objectif de réaliser un maximum d’économie. Les 5,7 millions d’agents publics en feront les frais.

Entre annonces et projet de réforme

Encore faut-il savoir précisément de quoi l’on cause. Réagissant à l’annonce de l’abandon de la disparition des catégories (une « mise de côté » a précisé le ministre à RMC), Sylviane Brousse, secrétaire fédérale CGT des Services publics, doute qu’il soit définitif. « Il nous dit qu’il ne le maintient pas parce que les agents y tiennent. En fait, il n’a pas l’air de bien connaître la fonction publique ! Ce que veulent les agents, c’est une garantie sur leurs évolutions de carrière, une fonction publique de carrière.  »

Or, des agents sont actuellement sur-diplômés par rapport à la catégorie à laquelle ils appartiennent. « Et puis, poursuit la syndicaliste, nous l’avons interrogé sur l’article qui porte sur cette mesure. Parce que nous n’avons jamais vu une seule ligne du projet de loi. Nous avons eu connaissance d’annonces, mais nous n’avons jamais eu de texte ! »

On comprend dès lors pourquoi les relations se tendent avec les syndicats qui, hormis des annonces, manquent clairement d’information. Ce qui est sûr, et qui ne concerne pas le projet de réforme, c’est que Guillaume Kasbarian a aussi annoncé pour cette année un gel de la valeur du point d’indice (qui sert à calculer le salaire de base des fonctionnaires) et la suspension de la prime Gipa (Garantie individuelle du pouvoir d’achat) qui compense l’inflation. Il y a fort à craindre que ces deux décisions ne se limitent pas à 2024.

«  Ensuite, poursuit Sylviane Brousse, lors de la réunion avec l’intersyndicale la semaine dernière, le ministre a annoncé l’augmentation des jours de carence (en cas d’arrêt maladie), les faisant passer de un à trois. Il veut aussi réduire l’indemnisation des congés maladie à 90 % du salaire. » (elle est de 100 % actuellement.) Une semaine plus tôt, la fonction publique apprenait qu’elle ferait l’objet d’économies à hauteur de 1,2 milliard d’euros.

Plan de lutte contre l’absentéisme

Pour le gouvernement, il s’agit de lutter ainsi contre l’absentéisme qu’il trouve particulièrement important, notamment dans la territoriale et dans le secteur hospitalier. « Le ministre parle d’une augmentation de l’absentéisme de 80 %. On ne sait pas sur quoi il se base. Les derniers chiffres datent de 2022, après le Covid. Forcément, le contexte était différent. Il n’y a pas de réelles études, rien n’est étayé  », dénonce Sylviane Brousse. Selon elle, « il s’agit une fois de plus d’opposer les travailleurs du privé et du public entre eux. Pour cela, on ressort les vieilles idées reçues sur les prétendus privilèges des fonctionnaires. »

Quand tout va bien, dit-elle en substance, on ne voit pas l’utilité des fonctionnaires. En période de crise, on les applaudit comme ce fut le cas durant celle du Covid. Mais les mesures d’austérité annoncées ne s’arrêteront pas là. Et la réforme préparée par Stanislas Guerini va arriver bientôt. « Or, souligne Sylviane Brousse, le bilan de la précédente réforme de la fonction publique, celle de 2019, n’a toujours pas été fait. Il faudrait commencer par là avant de vouloir nous imposer un projet de transformation. »

Ce dernier, pour lequel tous les syndicats comptent se mobiliser, porterait notamment sur :

  • la refonte des concours et l’harmonisation des conditions de recrutement,
  • la rémunération au mérite,
  • une négociation salariale annuelle, à l’image de ce qui se fait dans le privé,
  • une facilitation du licenciement.

Pour la CGT, il va de soi que le gouvernement Barnier (dans la logique des précédents) veut liquider le modèle social français. « Ce qui a été fait par le Conseil national de la Résistance, comme la mise en place de grands opérateurs du type EDF ou GDF, ou pour les transports, a été détricoté, dit Sylviane Brousse. Il reste à détruire la fonction publique. »

L’objectif, une fois de plus, est de faire la part belle au privé. «  On imagine que ce serait facile pour la voirie ou les espaces verts, commente-t-elle. Mais le ministre cible les agents qui ne sont pas près du public. Comment cela va-t-il se passer pour les services de l’État civil, l’urbanisme, les DRH ? Comment va-t-on faire avec les marchés publics ? Comment va-t-on faire tourner les collectivités et les ministères ? C’est très préoccupant et très grave. Il existe un paquet de missions support qui ne sont pas auprès du public. Comment va-t-on recruter ? En passant par des organismes extérieurs privés ? »

« Enfin, le statut des fonctionnaires leur garantit une indépendance vis-à-vis du politique. Si elle saute, alors que l’extrême droite est à la porte, ce sera très grave. »

Question pratique, tout aussi préoccupante : on sait que l’actuel gouvernement ne dispose pas de beaucoup de temps. Pour lui, il y a urgence à aller au bout de ses projets. S’il y a précipitation, un ministre comme Kasbarian, dépourvu d’état d’âme, est l’homme de la situation. Voilà pourquoi, par exemple, il veut finaliser son plan de lutte contre l’absentéisme avant fin décembre. Or, aucune réunion de concertation n’est prévue à ce sujet avec les syndicats.

Avant la journée d’action du 5 décembre, des mobilisations locales ont déjà commencé en Haute-Garonne ce 14 novembre. Une autre aura lieu mardi 19 novembre devant la Porte de Versailles à Paris à l’occasion du congrès des maires de France, les maires étant des employeurs territoriaux.

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