À la Halte-Saint-Jean, 21 compagnons sans-papiers avaient entamé un mouvement de grève depuis le 1ᵉʳ juillet 2023. Il avait débuté quelques jours après une perquisition de la police des locaux de la compagnie dirigée de main de maître par Anne Saingier et présidée par Pierre Duponchel, par ailleurs responsable du Relais de Bruay-la-Buissière dans le Pas-de-Calais. La police avait été alertée par les compagnons sans-papiers de pratiques abusives (travail sans contrat, rémunérations très minimales, dépassements d’horaires, absence de fiches de paie, contributions excessives aux charges d’hébergement). Ces sans-papiers, auxquels on avait fait faussement miroiter une facilitation pour leur régulation au terme de trois mois de travail, ont été rejoints dans leur mouvement par 9 autres compagnons dans la même situation au sein de la communauté Emmaüs de Nieppe, dirigée par Alexis Kotowski.
Les trois dirigeants d’Emmaüs ont finalement été poursuivis en justice, devant le tribunal de grande instance de Lille. Ils ont été condamnés ce vendredi à des peines de prison avec sursis : 9 mois pour Pierre Duponchel, un an pour Anne Saingier et 6 mois pour Alexis Kotowski. Tous trois ont interdiction de diriger ou de gérer une entreprise d’économie sociale et solidaire pendant cinq ans. Ils devront en outre payer 1000 euros à chacun des compagnons sans-papiers (parties civiles) et verser solidairement 1000 euros à l’Union départementale de la CGT du Nord (soutien des grévistes). S’agissant des cotisations sociales non acquittées, la directrice de la Halte-Saint-Jean devra rembourser 1 082 000 euros à l’Urssaf, Pierre Duponchel et Alexis Kotowski devront verser respectivement 845 000 euros et 292 800 euros à l’organisme de collecte des cotisations sociales. Enfin, Anne Saingier a été reconnue par le tribunal coupable de « harcèlement moral » sur deux salariés.
Les trois dirigeants ont déclaré vouloir faire appel du jugement. Mais ce dernier met en lumière la façon dont on peut exploiter, aujourd’hui, les personnes les plus fragiles et les plus démunies. En l’occurrence, une association aussi emblématique qu’Emmaüs, créée par le non moins emblématique Abbé Pierre, a semble-t-il dévié de sa mission en utilisant des méthodes qui feraient peut-être rougir les figures patronales de ce siècle.