En janvier, Verallia a fait l’objet d’une offre publique d’achat initiée par le fonds brésilien BW Gestão de Investimentos (BWGI), qui détient désormais plus de 70 % du capital. Ce rachat démontre que « l’entreprise est suffisamment rentable pour attirer de puissants investisseurs étrangers, mais pas assez, apparemment, pour reconnaître les efforts de ses salariés ».
Les chiffres confirment la solidité du groupe :
- un chiffre d’affaires 2024 de 3,45 milliards d’euros,
- un résultat net ajusté de près de 283 millions d’euros,
- et une marge opérationnelle (EBITDA) de plus de 840 millions d’euros.
Autant de résultats qui montrent que Verallia reste très profitable, malgré un contexte mondial tendu pour l’industrie du verre.
La colère des salariés
À la VOA, les travailleurs dénoncent une direction « sourde » à leurs revendications. Les départs à la retraite ne sont pas remplacés, les retards de recrutement se multiplient, et la direction recourt aux contrats précaires pour maintenir la production. Lors des journées de grève de septembre, des CDD ont été affectés en urgence aux lignes de fabrication, perçus comme un moyen de briser le mouvement.
« Les profits augmentent, mais les salaires n’évoluent pas. Nous avons le sentiment d’être méprisés, surtout dans les métiers pénibles et dangereux », nous glisse un salarié syndiqué.
Dans leurs revendications, les salariés mettent en avant des demandes précises :
- des départs à la retraite à 60 ans pour tous, avec la possibilité d’un départ progressif dès 55 ans pour les métiers pénibles (horaires décalés, chaleur, bruit, gestes répétitifs entraînant des troubles musculosquelettiques),
- le respect des instances représentatives du personnel, élues démocratiquement,
- des embauches en CDI pour remplacer les départs et réduire la précarité,
- une revalorisation des salaires,
- et de meilleures conditions de travail pour l’ensemble des équipes de production.
Il faut dire que l’industrie verrière est soumise à de nombreux défis, entre le coût de l’énergie et des matières premières ; les obligations environnementales imposées par l’Union européenne et la concurrence persistante du plastique et d’autres matériaux d’emballage.
Pour autant, le verre conserve toujours son principal atout : sa recyclabilité et son rôle dans la réduction des déchets plastiques. La demande mondiale de bouteilles, pots et contenants alimentaires reste soutenue, notamment en Europe.
Quelles pistes pour l’avenir ?
Face à cette situation, deux urgences apparaissent. Sur le plan social, il s’agit d’engager un dialogue réel sur l’emploi, les salaires et les conditions de travail. Les revendications des salariés, qu’il s’agisse des retraites, du respect des instances représentatives ou de la lutte contre la précarité, apparaissent comme autant de mesures de justice sociale rendues possibles par la rentabilité du groupe.
Sur le plan industriel, la diversification de la production pourrait constituer un levier important. Les communistes locaux ont déjà proposé de développer la production de verre comme alternative au plastique, un choix qui répondrait à la fois aux enjeux environnementaux et à la nécessité de maintenir l’emploi. La recherche permet aujourd’hui de fabriquer des verres plus solides et plus légers, qui réduisent l’empreinte carbone et ouvrent de nouveaux débouchés, y compris au-delà de la filière viticole.
Au cœur du débat, une question traverse la VOA et plus largement le groupe Verallia : faut-il laisser la stratégie de production être dictée par les actionnaires, ou associer davantage les salariés et les territoires aux choix industriels ? La réponse à cette question conditionnera non seulement l’avenir de la verrerie d’Albi, mais aussi celui d’un secteur qui, entre profits financiers et exigences écologiques et sociales, comme tous les secteurs industriels, se trouve à la croisée des chemins.