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Aleksandar Malivuk/shutterstock
Société d'Impression du Boulonnais

Crise de l’imprimerie, patron réac, licenciements et occupation

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Social Emploi

La SIB (Société d’Impression du Boulonnais) est une imprimerie polyvalente, dite du Labeur. Le labeur traite tous les travaux d’imprimerie à l’exception de la Presse quotidienne. Les deux types d’activité relèvent de l’industrie du Livre et relèvent de conventions collectives différentes, la plus intéressante demeurant celle de la presse, bien que leurs salariés aient les mêmes diplômes et qualifications, et utilisent les mêmes matériels.

Créée en 1970 à Boulogne-sur-mer (62), la SIB est basée à Saint-Léonard, sur la zone industrielle de la Liane, sur un terrain de 30.000 m².

Groupe régional et indépendant, elle est passée en 40 ans de 6 à près de 300 employés, réalisait un chiffre d’affaires de 35 millions d’euros et utilisait quotidiennement 150 tonnes de papier.

C’est une des trois plus grosses imprimeries de la Région.

Une crise provoquée par la course aux profits

Ces dernières années, elle a connu une succession de crises : le Covid en 2020 avec une chute des commandes  ; la hausse des prix de l’énergie depuis 2022  ; les inondations de la Liane en 2023 où les ouvriers ont sauvé les matériels… sans oublier la perte de plusieurs gros clients, comme les magasins Leclerc, qui ont arrêté l’impression de prospectus papier. Leclerc, c’était 10 % du chiffre d’affaires de la SIB.

Personne chez les salariés et à la CGT ne méconnaît la crise qui frappe les industries graphiques, depuis l’introduction de la micro-informatique dans les années 80, puis la communication par Internet depuis les années 90 qui prend le pas sur la communication papier. Plus par souci d’économie capitalistique que par souci de l’environnement. C’est cette préoccupation du profit maximum qui motive les décisions des grandes enseignes de supprimer l’impression de prospectus.

Selon l’Institut d’Étude des Produits (Idep) de la filière graphique, l’imprimé publicitaire représente un tiers du chiffre d’affaires total du labeur.

Seules victimes, les salariés

Les maîtres imprimeurs (les patrons des imprimeries) se plaignent de cette évolution qu’ils ont, eux aussi, largement utilisée pour baisser les salaires et la reconnaissance des qualifications des ouvriers du Livre afin d’accroître leurs profits.

Les seules victimes restent donc les salariés.

La SIB en est, en quelques années, à son troisième ou quatrième « dégraissage » et est retombée à 136 personnes.

Cette fois, le coup est rude puisque le patron, Marc Leroy, a décidé de licencier plus de la moitié de l’effectif - 78 personnes - en faisant placer l’entreprise en redressement judiciaire.

Les inondations de 2023 servent de prétexte puisqu’il a fallu cesser la production, protéger les installations, racheter le matériel et mettre en travail partiel une soixantaine de salariés.

Pour Frédéric Fortin, secrétaire du Cse et la CGT, l’importance du plan de liquidation des emplois ne se justifie cependant pas. « On a eu de la casse, ça a coûté, mais le patron omet de dire que les assurances ont joué. Donc prétexter les inondations… Ce qu’on sait, c’est que les finances sont saines et qu’il y a moyen, pour les salariés qui seraient licenciés, de toucher une prime dite « supra-légale » qui leur permette de se retourner un peu. Nous avons demandé 10.000 €, ce qui n’est quand même pas exagéré pour des gens qui ont consacré 30 à 35 ans à enrichir l’entreprise ».

Problème, le patron n’entend pas aller au-dessus du minimum minimorum malgré un discours très empathique envers ceux qu’il vire.

Des conditions indignes de départ !

Élodie Lemaire, secrétaire de l’Union locale CGT de Boulogne, pense que le patron balade un peu tout le monde, histoire de laisser pourrir la situation. « Le sous-préfet nous disait que le patron était prêt à négocier lors de la réunion du Comité social et économique de lundi 16 décembre. En fait, le liquidateur comme le patron restent obtus à toute négociation ». Une position qui se double d’un discours destiné à faire peur. Sur les ondes, le patron dit comprendre la tension qui monte chez ses salariés en craignant qu’elle fasse fuir certains clients « qui n’attendent que ça pour partir ». Pourquoi ces clients seraient-ils pressés de rompre leurs contrats avec la SIB ?

Le fond est que le patron va recentrer les activités sur de nouveaux secteurs plus porteurs : moins de prospectus, et plus d’emballages et d’étiquettes. Plus porteurs… pour l’instant puisqu’il s’agit d’une stratégie appliquée par presque toutes les imprimeries de France, ce qui amènera des surcapacités de production, donc de futures restructurations.

Cette surdité aux demandes des salariés fait qu’ils ont décidé de bloquer l’activité, soutenus par les syndicats d’autres industries de la ville portuaire. Un seul objectif : faire revenir le patron et le liquidateur à la table des négociations.

Pour Gisèle Gori, secrétaire de la section du PCF, «  Les salariés ont raison. Le projet de poursuite d’activités est flou et les conditions de départ sont indignes pour des salariés ayant 30/35 ans d’ancienneté. »

Patrons et gouvernements responsables et coupables...

Au-delà de ce nouveau coup porté à l’industrie française et à l’emploi, c’est tout l’avenir de la filière graphique qui est en question.

Les politiques, patronales et gouvernementales de ces dernières décennies ont conduit à la remise en cause des statuts, des qualifications et des salaires de métiers considérés comme le haut du panier de la classe ouvrière.

Une politique antisociale accompagnée de liquidation des industries du papier qui fait qu’aujourd’hui, les papiers approvisionnant les imprimeries sont exclusivement importés. La France, second pays le plus consommateur de livres, ne produit plus son papier. On se demande sérieusement où seront imprimés de main les livres d’école de nos enfants. Jusqu’aux fameux agendas Oxford, jusqu’ici produits par les salariés de Lecas Industries en Charente qui, pour 2025, seront délocalisés en Turquie tandis que l’entreprise française sera liquidée.

Dans ce contexte, la suppression progressive des imprimés publicitaires ne fait qu’ajouter à l’explosion des coûts de l’énergie et des matériels (les machines) et matériaux (le papier), désormais importés.

D’où qu’on se tourne, et bien que patronat et pouvoirs publics se couvrent la tête de cendres, ce sont bien eux qui sont à la fois responsables et coupables de la liquidation des industries graphiques de France.

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