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Escroquerie à la franchise à Douai

13 salariés de Domino’s Pizza sur le carreau

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CGT Social Emploi

À Douai, dans le Nord, 13 salariés de la chaîne de restauration Domino’s Pizza vivent une situation ubuesque. Pas de salaire, pas de fiches de paie, pas de licenciement, mais portes de l’entreprise fermées. La CGT met en cause le système de franchise.

Si vous vivez à Douai et que vous souhaitez vous faire livrer une pizza à domicile, ne vous adressez pas à l’établissement de la place Carnot. L’enseigne est fermée depuis le 18 février. Ce n’est pas la première fois. Le 21 janvier, une première fermeture avait déjà eu lieu. En cause, le gérant de ce restaurant franchisé fait l’objet d’une enquête pour escroquerie depuis 2022. Motif : Des commandes enregistrées (par internet ou téléphone) étaient annulées. Elles ne l’étaient pas à la demande des clients, mais dans le cadre d’un plan d’escroquerie. Des remboursements étaient simulés. 1,2 à 1,5 million d’euros auraient ainsi été détournés. Pourquoi, la fraude étant connue -ou au moins soupçonnée- les fait n’apparaissent que trois ans après ? On ne le sait pas encore et il est difficile d’avoir des informations de la part de la justice et de l’inspection du travail.

Cas d’école

« Nous sommes devant un cas d’école », constate Jean-Michel Locufier, secrétaire général de l’UL CGT de Douai. Le gérant du restaurant douaisien doit passer en comparution devant le tribunal le 21 mars. Il dirige également 7 autres établissements de l’enseigne dans les Hauts-de-France qui emploient près d’une centaine de salariés.

Mais à Douai, après la fermeture du 21 janvier, il avait trouvé deux autres franchisés qui ont rouvert le 11 février pour fermer à nouveau le 18 février. Semble-t-il, la direction de Domino’s Pizza France (le franchiseur) a sonné la fin de la récréation en cessant d’approvisionner, faute de paiements et de perspectives, le magasin de Douai. Le chiffre d’affaires hebdomadaire avait dégringolé de 15 000 à 8 000 euros au moment de la fermeture.

Pour la CGT, par la voix de Jean-Michel Locufier, ce type d’affaire est la conséquence du système de la franchise. Le dirigeant et propriétaire de la marque loue les magasins sous son enseigne à des franchisés qui lui achètent les produits nécessaires à son fonctionnement (en l’occurrence la matière première pour la fabrication et la vente des pizzas) et lui paient une redevance. « Mais, souligne le secrétaire de l’UL CGT, les salariés de l’enseigne locale dépendent du franchisé et non du franchiseur. Ils ne peuvent ainsi profiter des avantages éventuels de Domino’s Pizza France. » Lorsque l’Union locale CGT a été saisie par des salariés du restaurant de Douai, elle a décidé de profiter de cette situation pour dénoncer ce système qui, selon elle, permet de réduire les droits des travailleurs.

Quoi qu’il en soit, les salariés n’ont jamais été prévenus, ni des pratiques frauduleuses du gérant précédent, ni des soucis financiers du restaurant. C’est en se rendant à leur travail qu’ils ont trouvé porte close. Ils n’ont pas touché leur salaire en janvier et ne peuvent compter sur celui de février. Pire que cela, les fiches de paie ne sont plus délivrées depuis novembre. Et comme l’enseigne n’a pas pour l’instant déposé le bilan et n’est donc ni en redressement, encore moins en liquidation, ils ne sont pas licenciés et ne peuvent prétendre à leurs droits devant France Travail.

Dans l’urgence, la CGT les a aidés pour demander un référé, pour leurs salaires et leurs fiches de paie, devant les Prud’hommes. Mais l’inspection du travail leur a bien recommandé la prudence. « Tous les jours, expliquent deux d’entre eux, Ugo et Albert, nous nous présentons face au restaurant (fermé), nous prenons une photo attestant notre présence, et nous l’envoyons à l’inspection du travail pour prouver notre présence. » Sinon, ils pourraient être considérés comme démissionnaires et en payer les conséquences !

Des heures payées en pizzas

Mais les 13 salariés ont rencontré une situation encore plus perverse. « Avant la fermeture du 18 février, raconte Albert, les nouveaux gérants nous ont proposé d’être payés en espèces et sans fiche de salaire. Les heures supplémentaires, pour nettoyer et fermer le magasin bien au-delà de l’horaire normal (22 h 30), nous étaient payées en nature, c’est-à-dire en pizzas ! »

« Ce n’est rien d’autre que du travail dissimulé », réagit Pascal Szabo, administrateur CGT à l’Urssaf qui conseille aux salariés de la chaîne de vérifier auprès de l’organisme collecteur que les cotisations sociales ont bien été versées. L’Urssaf va bien évidemment se pencher sur le dossier Domino’s et réclamer les cotisations impayées. « En France, les fraudes à l’Urssaf s’élèvent à 10 milliards d’euros », souligne-t-il.

Les salariés sont dans l’attente de l’avancée du dossier devant la justice. La moyenne d’âge des salariés est de 35 ans. Ils sont employés polyvalents, à l’image d’Albert. « Cela veut dire que nous sommes au four et au moulin : préparation des pizzas, livraison, nettoyage du magasin, etc) ». S’ils sont en contrat de travail à durée indéterminée, ils travaillent souvent à temps partiel. « Un temps toutefois variable, explique Albert. J’avais un contrat de 12 heures par semaine, mais chaque fin de semaine, on me demandait de signer un avenant pour le porter à 18 heures en fonction des besoins. » Les salaires, en fonction des horaires, varient entre 800 et 1100 euros net. Domino’s Pizza France a accordé des franchises à 600 boutiques en France. Dans le département du Nord, le secrétaire général de la CGT Commerce, Distribution et Services, Maximilien Blanquet, assure les salariés concernés du soutien de son syndicat. Il les encourage à s’en rapprocher en appelant le 06 15 56 75 89. C ’est dire si le syndicat considère que la question soulevée à Douai est grave.

« La CGT, dit-il, exige le paiement immédiat des salaires des travailleurs concernés, l’engagement de la responsabilité du franchiseur, au même titre que celle du franchisé, une intervention rapide des autorités compétentes pour protéger ces salariés et éviter de nouveaux abus et le paiement immédiat des salaires des travailleurs concernés. »

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