Le rideau ne tombe pas encore sur le « conclave » des retraites. Ce processus de concertation entre partenaires sociaux, lancé pour tenter de sauver les meubles après la réforme passée en force de 2023, s’offre une ultime journée de débat le 23 juin. Une rallonge in extremis, au goût amer pour les négociateurs. Le patron du Medef, Patrick Martin, s’est déclaré « très réservé » quant à la participation de son organisation, dénonçant une réforme « détricotée à bas bruit » et des concessions jugées unilatérales.
Plus rien ne bouge
Depuis le 27 février, la valse des réunions n’a pas permis de dépasser les lignes rouges. Les principaux points de blocage restent la prise en compte de la pénibilité, les départs anticipés pour les carrières longues, et surtout l’abaissement de l’âge de départ à la retraite. Des avancées ont été esquissées, notamment sur les carrières des femmes et un embryon de compte pénibilité. Mais les syndicats pointent un effort déséquilibré, alertant que ce sont les retraités et les futurs retraités qui en paieraient le prix. « Le compte n’y est pas », tranche Christelle Thieffinne (CFE-CGC). Quant à la CFTC, elle n’exclut pas de boycotter l’ultime session. La CGT à quant à elle quitté ce conclave le 19 mars dernier.
L’ambiance vire au règlement de comptes quand, mardi 17 juin, les discussions s’interrompent brutalement après une proposition jugée « inexistante » du Medef. Le patronat est accusé de « planter la négo », de fuir toute concession réelle sur l’usure professionnelle. En face, la CFDT espère encore un compromis minimal, même bancal, qui viserait à abaisser à 66 ans et demi l’âge de départ sans décote, améliorer l’indexation des carrières féminines, ou encore alourdir la CSG pour les retraités aisés. Le tout sans toucher à l’âge légal de 64 ans, sanctuarisé par l’exécutif.
Crash-test politique
Mais ce conclave, c’est aussi le crash-test politique de François Bayrou. Le Premier ministre joue sa survie sur ce coup-là. C’est grâce à cette concertation qu’il avait obtenu, en février, l’abstention bienveillante des socialistes face à une motion de censure. Aujourd’hui, le PS menace de changer de pied. Sans accord d’ici la semaine prochaine, l’hypothèse d’une nouvelle censure reprend forme comme une épée de Damoclès pour un gouvernement minoritaire et déjà à bout de souffle.
François Bayrou, maître d’orchestre d’un processus lent et brouillon, mise sur le flou pour survivre. Sa méthode de la palabre, largement critiquée mais difficile à attaquer frontalement, lui a permis de durer. Six mois à Matignon, c’est deux fois plus que Michel Barnier. Mais la fin du conclave approche, et avec elle, le verdict politique. Si la fumée blanche monte le 23 juin, il pourra encore espérer soumettre un accord au Parlement à la rentrée. Dans le cas contraire, le château de cartes pourrait bien s’effondrer.