Déjà en 2016, à une question concernant la revalorisation des pensions de retraite, les organisations syndicales de retraités reçues au Ministère des Affaires sociales s’entendaient répondre « Comme les autres allocations sociales, les pensions ne seront pas augmentées cette année. »
Fallait-il comprendre que les pensions se transforment progressivement, aux yeux des décideurs, en simples allocations sociales soumises aux aléas économiques et au bon vouloir des gouvernements ? C’est, en tout cas, l’orientation qui semble se dessiner depuis 1993 pour le régime général et depuis 2003 pour la fonction publique. Quand, d’une évolution liée à l’évolution des salaires ou à l’indice fonction publique, nos pensions passent à une évolution liée à celle des prix.
Le statut de retraité
Cette situation pose, sur le fond, la question du statut du retraité et de sa pension.
Notre système de retraite est basé sur la répartition et la solidarité intergénérationnelle. Il n’existe pas de « caisse » dans laquelle chaque travailleur accumulerait des cotisations pour se constituer sa propre retraite. Les cotisations versées aujourd’hui par les actifs servent à payer les pensions des retraités d’aujourd’hui. C’est ce lien indéfectible entre actif et retraité qui fait que la retraite n’est qu’un moment de la vie du travailleur. Et c’est ce même lien qui justifie la revendication d’une évolution des pensions basée sur l’évolution des salaires. Car, sur le long terme, les salaires progressent davantage que les prix. Il est logique, il est juste que le retraité qui, tout au long de sa vie active, a participé à l’enrichissement du pays puisse continuer à en percevoir les avancées.
Un recul organisé
Depuis la mise en œuvre de ce système en 1945 jusque dans les années 1990, le système a fonctionné sans à-coups. Aujourd’hui, il serait en déficit chronique, les recettes seraient insuffisantes pour continuer à payer les pensions. L’argument principalement avancé serait une dégradation du rapport actifs/retraités… C’est, pour l’essentiel, à partir de cet argument qu’ont été menées toutes les réformes des retraites depuis 30 ans. Ces réformes aboutiraient à un taux de remplacement du dernier salaire de l’ordre de 67 % en 2040 au lieu de 85 % en 1992. On oublie simplement de souligner que la productivité du travailleur, en moyenne, double tous les 30 ans et qu’une part pourrait être consacrée aux pensions dans la mesure où le nombre de retraités progresse.
Plus globalement, si le système de retraite se retrouve aujourd’hui en déficit, c’est que la part des richesses produites consacrées aux salaires et pensions a reculé. Depuis 1982, cette part des richesses produites consacrée aux salaires, et donc aux cotisations retraite, était de 77 %, elle est passée aujourd’hui à 66 %.
Par ailleurs, aujourd’hui, on peut trouver assez étrange que les questions de retraite relèvent du ministère de la Santé et des affaires sociales. La logique et le statut même du retraité ne voudraient-ils pas que les questions de retraite relèvent plutôt du ministère du Travail ?