En début de semaine dernière, les dockers du port de Calais ont observé quelques heures de grève. Ce n’est pas la première fois, même si peu d’échos émanent de leurs revendications et de leur mouvement. Depuis le début de l’année, ils protestent contre le report de l’âge de la retraite et mettent en avant la présence d’amiante. Ils ne sont pas les seuls. On observe des arrêts de travail fréquents dans les autres ports français, comme Le Havre, avec des refus d’heures supplémentaires. C’est particulièrement vrai en ce mois de février avec des arrêts de quatre heures tous les deux jours.
À Dunkerque, la paix sociale contrariée
À Dunkerque, la paix sociale règne sans accroc, ou presque, depuis 1992, époque à laquelle les dockers avaient accepté la réforme de la manutention portée par le ministre socialiste Jean-Yves Le Drian et qui mettait un terme au statut d’intermittence des ouvriers portuaires. Désavoués par la fédération nationale des ports et docks CGT, les dockers dunkerquois sont depuis longtemps représentés par la Coordination nationale des travailleurs portuaires et assimilés (CNTPA), affiliée à la CFDT.
Le syndicat a dès lors choisi d’assurer la fiabilité des opérations de manutention [donc en s’interdisant tout blocage du port] et d’ « accompagner » le développement mis en œuvre par l’autorité portuaire et le patronat. Trente-trois ans après, les ouvriers du port nordiste se fâchent. Le secrétaire national de la CNTPA-CFDT, Franck Gonsse, très attaché au dialogue, ne semble pas exclure une radicalisation ou, en tout cas, un durcissement de l’action syndicale.
C’est que le dialogue semble trouver ses limites. Les élus locaux, les parlementaires et les responsables gouvernementaux n’apportent pas de réponse aux revendications portant sur les retraites. Les salariés veulent des aménagements à la réforme de 2023. Leurs arguments portent sur la pénibilité du travail et sur leur exposition à l’amiante. Ils demandent un rallongement jusqu’au 31 décembre 2027 du dispositif Acaata (Allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante). Jusqu’à présent, ce dispositif n’est reconnu que pour les embauches réalisées avant 2004.
Évidemment, il ne faut pas s’attendre à ce que la CNTPA-CFDT se rallie au positionnement de la CGT. Mais elle ne rejette pas l’idée d’une mobilisation pour faire valoir les droits des dockers dunkerquois. Il sera intéressant de suivre les développements de ces prochaines semaines. D’autant que le patronat de la manutention et du transport s’inquiète profondément d’un mouvement local après trois décennies de paix sociale.
D’Anvers à Stockholm
L’ébullition que l’on perçoit dans les ports français n’est pas isolée. À Anvers-Bruges, concurrent commercial historique du port de Dunkerque, les dockers se mobilisent autour de revendications salariales. Avec les pilotes de l’Escaut, ils ont lancé un mouvement social le 15 janvier. Plus récemment, le 13 février, ils se sont joints à une grève nationale, entraînant des perturbations et autres retards dans la manutention et la livraison des conteneurs.
À Rotterdam, les dockers du terminal Hutchison Port Delta II se sont mobilisés le 9 février contre l’automatisation et pour des hausses salariales. Le mouvement social touche pratiquement tous les ports de la rangée Nord, du Havre à Stockholm. Précisément, en Suède, les dockers ont récemment lancé un appel à la grève. Ils protestent contre le licenciement d’un responsable syndical qui avait refusé de charger des armes destinées à Israël. Les ouvriers suédois ont été soutenus par la Fndp-CGT.