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Contributeur1234 - CC BY-SA 4.0
Pétage de plombs septentrional

Le président du Département du Nord agresse les travailleurs sociaux

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Mise à jour le 31 janvier 2025
Temps de lecture : 6 minutes

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Social Emploi Enfance

Salariés, élus et journalistes n’en reviennent pas. Lors de la présentation de ses vœux aux agents du département, à Téteghem (près de Dunkerque), le président Christian Poiret est parti en vrille. Il n’a pas supporté les revendications des travailleurs sociaux qui s’inquiètent des coupes budgétaires. Grosse colère et chantage à l’emploi.

Que s’est-il passé, le 24 janvier, dans la tête du président du Conseil départemental du Nord  ? Alors qu’il avait commencé son discours pour présenter ses vœux au personnel, des travailleurs sociaux, salariés de la collectivité, ont brandi des affichettes dénonçant le manque de moyens et les coupes budgétaires dans le financement de la prévention spécialisée. Le budget départemental prévoit en effet de raboter celui-ci de 3 millions d’euros en 2025.

Les salariés des services sociaux avaient écrit au président pour demander des explications et une rencontre. Ils n’ont jamais obtenu de réponse. Lors de précédentes séances de vœux (ce rendez-vous traditionnel de début d’année se répartit sur plusieurs territoires du département), les travailleurs avaient fait part des mêmes inquiétudes, mais sans provoquer de réactions particulières. Cette fois, le président Poiret a fait ce qu’il convient d’appeler une sortie de route, d’autres diront un « pétage de plombs », en laissant sa colère exploser.

« Allez travailler ailleurs ! »

Après les avoir accusés de « manquer de respect » et les avoir entendus dire qu’ils allaient quitter la salle, il les a vertement invectivés : « Vous faites ce que vous voulez, c’est pas notre problème (...) Si vous avez un travail en mode dégradé, faites autre chose que travailler au département du Nord. Y en a qui n’ont pas de travail, y en a qui sont sur le bord de la route. Si vous n’êtes pas bien ici, allez ailleurs, et je le dis. Allez travailler ailleurs !  ».

Pas de chance pour le président, une des salariées a filmé la scène avec son smartphone. On voit sur la vidéo qu’un membre du cabinet tente de l’en empêcher avant que les protestataires soient poussés vers la sortie. Trop tard. La vidéo a été diffusée sur les réseaux sociaux et reprise par les médias. « Heureusement  », souligne Alexandre Leleu, secrétaire général du syndicat FO de Sambre-Avesnois et membre du bureau de l’Union départementale F.O. « Sans cela, l’épisode serait passé sous silence ou aurait été sous-estimé. »

Refus de dialogue

Pour les syndicalistes de Sud (majoritaire) et de FO, l’attitude autoritaire de Christian Poiret est d’autant inacceptable qu’il refuse de présenter des excuses et de revenir sur ses propos, montrant ainsi un refus de dialoguer. De son côté, le service de presse du Département a fait savoir qu’il n’y aura pas de commentaire.

« Christian Poiret est souvent excessif, mais là, je suis stupéfait, explique Alexandre Leleu. Je ne comprends pas pourquoi il a fait cela à ce moment précis alors qu’il est habitué aux rouages de la politique. Je ne comprends pas son timing. S’il est sous pression, les salariés le sont aussi.  »

Ce « timing » auquel fait référence le syndicaliste est celui qui concerne l’aide sociale à l’enfance, un secteur particulièrement concerné par les coupes sombres dans le budget. Une commission parlementaire s’intéresse à celle-ci et une plainte vient d’être déposée contre le Département. Elle intervient dans le cadre de la récente affaire des enfants placés et qui a abouti, en décembre dernier, à la condamnation de dix-huit personnes par le tribunal correctionnel de Châteauroux. Il leur était reproché des maltraitances sur des mineurs confiés à l’Aide sociale à l’enfance du Nord (ASE) et qui avaient été placés chez eux sans autorisation. Aujourd’hui, l’avocat de plusieurs victimes attaque l’ASE. Or cette dernière est sous l’autorité du président du Département du Nord censé être informé du scandale.

« 20 000 enfants sont suivis chaque année par le Département du Nord, souligne Alexandre Leleu. La coupe de 3 millions d’euros pour la prévention spécialisée concerne entre autres les associations qui œuvrent sur le terrain pour éviter le placement des mineurs. »

Des choix budgétaires contestables

On comprend dès lors que la colère de Christian Poiret est d’autant mal venue. Il explique le coup de rabot budgétaire par la diminution des dotations de l’État. Mais, si le retrait de l’État est une réalité, il ne suffit pas à expliquer les choix du Département. En octobre 2024, le président du Groupe Communistes et Républicains du Conseil départemental, Charles Beauchamp, regrettait que la majorité de droite (Groupe Union pour le Nord) que représente Christian Poiret ne donne pas la priorité à la protection de l’enfance. De son côté, le précédent président du Département, Jean-René Lecerf, s’insurge lui aussi contre l’attitude de Christian Poiret (dont il souhaite des excuses) et lui reproche de préférer financer le Tour de France (qui passe cette année dans le Nord). Il oublie que lui aussi avait en son temps raboté des places d’hébergement pour mineurs.

Le 6 février, les travailleurs sociaux du Département manifesteront devant le siège du Conseil à Lille à l’appel du collectif « Touche pas ma prév » (une dizaine de clubs de prévention dans le Nord). « Il faut espérer, dit Alexandre Leleu, que Christian Poiret acceptera de recevoir une délégation et de renouer ainsi le dialogue. »

« Le président est serein », avait déclaré l’intéressé à Téteghem.

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