La reconduction de Bruno Retailleau au ministère de l’Intérieur (ministre d’État) n’est pas une surprise. L’ex-président du groupe Les Républicains (LR) au Sénat avait clairement fait savoir sa volonté de garder la place Beauvau, mais en posant ses conditions : poursuivre sa politique dite de fermeté en matière de sécurité et d’immigration.
Il sera épaulé, à la Justice, par un autre ministre d’État, Gérald Darmanin, l’ancien LR devenu macroniste qui parle la même langue que celle du ministre se réclamant du gaullisme. Police et Justice main dans la main, voilà qui promet. Gérald Darmanin (ex-ministre de l’Intérieur) ne sera pas resté bien longtemps hors du gouvernement.
Un homme fort et pas d’ouverture
Et puis, Bruno Retailleau pourra aussi compter sur Manuel Valls (ex-ministre de l’Intérieur et ex-Premier ministre), de retour au gouvernement après un passage raté par l’Espagne et une relocalisation en France, plus à droite que jamais. Valls est à présent ministre d’État chargé des Outre-Mer. Les Outre-Mer n’avaient jamais eu de ministre d’État jusqu’à ce jour. Voilà les Mahorais servis. Sûr qu’à Mayotte, Manuel Valls ne va pas s’ennuyer et qu’il sera très à l’aise avec la suppression du droit du sol voulu par Darmanin afin de lutter contre les flux migratoires. N’en doutons pas, le trio va se régaler.
Avec l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne, nommée à l’Éducation nationale, à l’Enseignement supérieur et à la Recherche, le gouvernement Bayrou compte quatre ministres d’État (du jamais vu depuis la lointaine époque Balladur) et deux anciens Premier ministre. L’homme fort est indéniablement Bruno Retailleau, le seul à avoir su s’imposer, et avec lui sa ligne dure, durant la courte vie du gouvernement Barnier.
S’ajoutent 14 ministres et 20 ministres délégués. Le bloc central (macronistes et Modem) est majoritaire, le LR perd la moitié des postes (7 au lieu de 12 dans le précédent gouvernement) mais garde son influence.
Les perdants sont les Françaises et les Français qui se sont battus contre la réforme des retraites. Les promesses du Premier ministre de rouvrir les discussions sans remettre en cause la loi pèsent peu. Le sentiment de mépris et de non-écoute du peuple ne fera que se renforcer. Aujourd’hui à l’Éducation nationale, Madame Borne demeure dans les esprits Madame 49.3, cet article dont François Bayrou dit ne pas vouloir faire usage, sauf pour l’adoption du budget. Le retour de Manuel Valls (casseur du Code du Travail sous François Hollande) et le trio avec Bruno Retailleau et Gérald Darmanin (sécuritaires et soldats anti-migrants) ne peuvent être pris que comme de la provocation.
Loin du nouveau monde
Le reste est à l’avenant. On pense par exemple au sort des services publics, déjà bien mal en point, avec Amélie de Montchalin aux comptes publics.
Ajoutons le communiqué, lundi matin, de Xavier Bertrand affirmant que François Bayrou a renoncé à faire appel à lui (pour la Justice) en raison de l’hostilité du Rassemblement national. Nous y voilà donc. Marine Le Pen et Jordan Bardella sont plus que jamais en embuscade et n’hésitent pas à menacer. Censure, pas censure ? Le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, ne manque pas de souligner que ce « quatrième gouvernement » est « toujours inspiré par Emmanuel Macron, par les LR, par le RN et avec Valls en prime. » Fabien Roussel dénonce un « jour sans fin ». « On est loin, dit-il, du nouveau monde ! »
Reste à savoir quels seront véritablement les moyens d’agir de l’équipe Bayrou. Alors que les passations de pouvoir commençaient dès lundi soir, nombreux étaient les commentateurs qui parlaient d’un gouvernement en sursis. Déjà. Emmanuel Macron serait-il parvenu à rendre ce pays ingouvernable ? N’est-il pas lui-même en sursis ?