Pour commencer, comme son nom l’indique, le traité n’est pas seulement un traité de libre-échange. En anglais, le Comprehensive Economic and Trade Agreement, traduit en Accord Économique et Commercial Global, englobe toute une série de mécanismes supra-nationaux, qui doivent être transposés dans les législations nationales. En premier lieu, il vise bien entendu à abaisser les droits de douanes sur toute une série de biens et de services, ce qui permet de faciliter le commerce et la concurrence entre les économies européennes et canadiennes. Mais les droits de douanes sont loin d’être les seules barrières au commerce.
Les barrières non tarifaires
Au-delà des prix, ce qui gêne le commerce, ce sont les normes. Qu’à cela ne tienne, l’objet du traité est de les réduire ou les abolir. Ni plus ni moins. C’est ainsi que le Canada peut exporter du bœuf élevé aux hormones et gavé d’antibiotiques sur le marché européen. Mais au-delà de cet exemple facilement identifiable et iconique, ce sont toutes les normes sociales et environnementales qui sont revues à la baisse dès lors qu’elles freinent les échanges. Nous nous retrouvons donc sur le marché européen avec des biens et des services qui n’ont pas été produits dans les mêmes conditions, et donc pas au même coût des deux côtés de l’Atlantique. Cette course au moins disant social est d’ailleurs renforcée par la mise en place du tribunal privé spécial dit Investment Court System qui vise à permettre aux multinationales d’attaquer les législations sociales et environnementales qui freineraient leur liberté.
Des gagnants et des perdants
D’un point de vue strictement comptable, le CETA a amélioré la balance commerciale de la France vis-à-vis du Canada, certes, mais à quel prix ? Le mouvement qu’est la mondialisation capitaliste est accéléré par des accords comme celui-ci et favorise l’agro-industrie face aux exploitations plus petites, condamnées à être déficitaires ou à s’aligner sur les standards de ferme usine. La chute des barrières douanières et normatives a encouragé l’extraction d’hydrocarbures à partir des sables bitumineux du Canada et le dérèglement climatique.
Pour un producteur de Roquefort gagnant, il y a des milliers de salariés dont les conditions de travail se dégradent du fait de l’ouverture à la concurrence. Ce traité est donc avant l’émanation d’un projet politique : le libéralisme coûte que coûte, y compris s’il est à contre-temps aujourd’hui.
Une démarche qui pose de nombreuses questions
Ce projet politique est et a été entaché, tout du long de signaux d’alerte inquiétants. Tout d’abord, sa ratification par le Parlement Européen s’est faite sans les eurodéputés français, qui se sont majoritairement opposés ou abstenus lors du vote. De même, le vote à l’Assemblée Nationale a été serré malgré une écrasante majorité LREM.
Le 6 juillet 2017, le Premier Ministre Édouard Philippe mandatait 9 experts pour produire une étude d’impact préalable au vote de l’Assemblée. Le rapport à peine paru a été étrillé par de nombreux acteurs, comme la Fondation Nicolas Hulot qui dénonce « les lacunes, hypothèses irréalistes et impacts négatifs de l’étude d’impact » ou l’UFC Que Choisir qui dénonce les conséquences pour les normes sociales et environnementales, sans parler du collectif Stop Tafta-CETA. Las, le camp libéral a un projet, il devra passer « quoi qu’il en coûte ».