Après des années de blocage, la France a finalement donné son feu vert à l’accord commercial avec le Mercosur, approuvé par la Commission européenne le 3 septembre 2025.
Colère du monde agricole
Emmanuel Macron avait pourtant assuré au Salon de l’agriculture qu’il ferait « tout » pour empêcher l’adoption du texte. En réalité, Paris a renoncé à former une minorité de blocage et s’est contenté de garanties jugées insuffisantes par la profession.
Ces contreparties prennent la forme de « clauses de sauvegarde », censées suspendre l’accord si les importations venaient à déstabiliser les marchés agricoles européens. Pour le ministre du Commerce extérieur, Laurent Saint-Martin, il s’agit de mécanismes « capables d’être enclenchés de façon satisfaisante ». Mais les syndicats agricoles dénoncent des garde-fous purement théoriques, incapables de contenir l’impact de la concurrence sud-américaine.
L’inquiétude se concentre sur les quotas d’importation : 99 000 tonnes de bœuf et 180 000 tonnes de volaille pourront entrer chaque année sur le marché européen à des tarifs préférentiels. D’autres filières, comme le miel, le sucre ou l’éthanol, sont également concernées.
Opposition syndicale face à une concurrence déloyale
Dans un rare front commun, l’ensemble des syndicats agricoles s’élève contre l’accord. La FNSEA et les Jeunes Agriculteurs dénoncent une incohérence : « L’UE impose à ses propres agriculteurs des normes environnementales et sanitaires parmi les plus strictes au monde, tout en ouvrant ses marchés à des produits importés qui n’y répondent pas », rappellent-ils.
La Coordination rurale parle de « sacrifice » de l’agriculture sur l’autel des intérêts industriels et financiers, tandis que la Confédération paysanne, mobilisée à Bruxelles, accuse l’accord de détruire des fermes « ici et ailleurs ». Pour ses porte-parole, ces traités de libre-échange organisent une mise en concurrence généralisée des paysans au profit des géants de l’industrie.
La manœuvre juridique de la Commission européenne
Au-delà du contenu, la méthode d’adoption nourrit une forte contestation. L’accord avait initialement été conçu comme un traité « mixte », combinant un volet commercial et un volet politique. Cette formule supposait l’approbation unanime des États membres et la ratification de tous les parlements nationaux.
La Commission a choisi de scinder artificiellement le texte en deux : un accord de partenariat politique d’un côté et un accord commercial intérimaire de l’autre. En isolant la partie commerciale, Bruxelles invoque la compétence exclusive de l’UE en matière de politique commerciale. Conséquence : l’accord pourrait entrer en vigueur provisoirement, même si un parlement national s’y oppose sur le plan politique.
Cette procédure est jugée contraire aux conclusions du Conseil européen du 22 mai 2018, qui avait expressément rappelé que les accords en négociation avec le Mercosur resteraient mixtes.
Pour de nombreux opposants, il s’agit d’une manigance antidémocratique. Certains élus appellent déjà à saisir la Cour de justice de l’Union européenne afin de contester ce « coup de force juridique ».
Qu’est-ce que le Mercosur ?
Le Mercosur (Marché commun du Sud) est une organisation régionale créée en 1991 par l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay. Elle vise à favoriser la libre circulation des biens, services et capitaux entre ses membres. Avec plus de 260 millions d’habitants et un PIB cumulé de 2 700 milliards de dollars, le Mercosur représente l’un des principaux blocs commerciaux mondiaux, centré sur les exportations agricoles et agroalimentaires.