Ce sommet devait aborder les priorités sociales et énergétiques de l’Union. Mais au terme de deux jours de débats, le communiqué final du Conseil européen ne laisse guère de doute : la sécurité et la compétitivité l’emportent sur la justice sociale. Le texte insiste sur l’augmentation des budgets militaires et sur la « nécessité de renforcer l’industrie de défense européenne » pour répondre à la « menace russe ».
Un Conseil sans peuple, ni paix
Le logement, pourtant à l’ordre du jour, n’a eu droit qu’à deux paragraphes, sans engagement concret. C’est cette indifférence que dénonce João Oliveira, député européen du Parti communiste portugais (PCP), pour qui le Conseil « tourne le dos aux aspirations populaires et poursuit une politique de confrontation et de guerre, au service des groupes économiques ». Ses mots résonnent dans un silence institutionnel : « Des milliards pour les canons, pas un mot pour les bas salaires, les pensions ou la santé. »
Cette dénonciation traduit le fossé qui s’élargit entre Bruxelles et les peuples. Alors que les dirigeants européens s’enferment dans une logique de puissance, les citoyens affrontent une inflation record, des loyers inaccessibles et des services publics exsangues.
L’Union au service du capital et de l’OTAN
Depuis la guerre en Ukraine, l’Union européenne a accéléré sa mue : une Europe économique devenue bloc militaire, arrimée à l’OTAN et alignée sur Washington. Les budgets de défense explosent – 600 milliards d’euros cumulés d’ici 2030 –, tandis que les hôpitaux ferment des lits, les écoles manquent de professeurs et les retraites sont repoussées.
Les grands groupes de l’armement, eux, prospèrent : Dassault, Rheinmetall, Leonardo affichent des profits historiques, dopés par la politique de réarmement impulsée depuis 2022. Dans plusieurs pays membres, les réformes sociales virent à la régression. En Belgique et en Grèce, les travailleurs affrontent des journées de 13 heures, l’allongement de l’âge de départ et la privatisation des retraites.
Bruxelles ne condamne rien
Cette docilité face aux diktats des marchés tranche avec la brutalité de son alignement stratégique : guerre en Ukraine, sanctions économiques, soutien inconditionnel à Israël. João Oliveira y voit la marque d’une hypocrisie structurelle : « L’Europe parle de paix mais fabrique la guerre, parle de progrès mais détruit les droits sociaux. »
Chronologie d’une dérive européenne (2022-2025)
Mars 2022 – « Union de la défense »
La Commission lance un « paquet stratégique » destiné à renforcer les capacités militaires communes. La rhétorique de la paix cède la place à celle de la « dissuasion », ouvrant la voie à un réarmement massif.
Juin 2023 – Fonds européen de défense
Adoption du premier budget pluriannuel directement dédié à la production d’armement (8 milliards €). Les industries de guerre deviennent partenaires « stratégiques » de Bruxelles.
Mars 2024 – « Autonomie stratégique »
Sous pression américaine, l’Union valide le plan de « souveraineté technologique et énergétique », mais dans un cadre entièrement libéralisé : dérégulation des marchés de l’énergie, privatisations et « flexibilité » du travail.
Juillet 2025 – Sommet sur la compétitivité
Adoption du Plan européen de compétitivité stratégique, censé contrer la Chine. Hausse des aides publiques aux grands groupes, révision des normes sociales et environnementales jugées « contraignantes », gel des hausses de salaires.
Octobre 2025 – Conseil européen de Bruxelles
Le virage devient rupture : le Conseil consacre la priorité à la défense, à la compétitivité et à l’intégration militaire au sein de l’OTAN. Le logement, la santé et la justice sociale sont relégués en notes de bas de page.