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Entretien

Léon Deffontaines : « Je suis déterminé pour une Europe véritablement démocratique et à l’écoute des classes laborieuses »

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Mise à jour le 5 juillet 2024
Temps de lecture : 13 minutes

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Élections européennes

Quelques jours avant de venir s’exprimer à Paris, puis à Avion, le mercredi 22 mai, sur sa campagne pour les élections européennes, Léon Deffontaines développe les objectifs de la liste qu’il mène et le sens de son nom : « La gauche unie pour le monde du travail ».

Vous êtes à fond dans la campagne pour les élections européennes depuis plusieurs semaines et nous sommes déjà à moins de 30 jours du scrutin. Vous rencontrez beaucoup de gens qui ont plein de questions, vous serez ce 22 mai à Avion dans le Pas-de-Calais. Comment vivez-vous cette campagne ?

Ce que j’observe sur le terrain, c’est une forme de désamour des Françaises et des Français vis-à-vis des élections européennes, et plus généralement vis-à-vis de l’Union européenne. Je ne peux que les comprendre. Alors que l’inflation et la baisse du pouvoir d’achat les frappent de plein fouet, les décisions prises à l’échelle européenne sont bien incapables de répondre à leurs attentes. Les débats menés autour de ces élections ne tiennent pas compte de leurs préoccupations (salaires, coût de la vie, travail, chômage, pensions, services publics, école, santé, etc.). La liste que nous menons propose de remettre le curseur sur ces sujets fondamentaux.

Les thèmes que vous abordez au cours de vos meetings, les questionnements que vous suscitez au cours de vos échanges parviennent-ils à convaincre de se déplacer le 9 juin ?

L’accueil est à chaque fois très chaleureux. Déjà, on nous reconnaît et on me reconnaît ! Quand on est capable de faire campagne sur la hausse des tarifs de l’électricité, sur l’éradication du chômage, etc. on voit qu’un regard bienveillant se pose dessus. Grâce à ça, je crois que nous sommes en capacité de ramener devant les urnes les électrices et les électeurs qui n’y croyaient plus. Je veux aussi monter d’un cran en m’adressant aux électrices et électeurs du Rassemblement national.

Selon les sondages, votre liste se rapproche des 5 % d’intentions de vote. Si vous intégrez le Parlement européen, les parlementaires français communistes pourront-ils compter sur un relais au niveau européen ?

J’aime à dire que je ne serai pas « député européen » mais « député de la France au sein du Parlement européen ». Et avec 5 %, nous aurons cinq députés de gauche. Je rendrai des comptes, de manière informelle ou formelle, aux Françaises et aux Français sur les votes qui auront lieu au Parlement européen. Nous avons un vrai problème à ce jour, c’est que l’on ne sait pas ce que votent les députés français au Parlement européen. Je veux débunkeriser Bruxelles et Strasbourg, je veux mettre la lumière sur les décisions et les votes qui sont faits par nos représentants. L’Europe prend des décisions importantes pour

notre quotidien : l’augmentation des factures d’électricité, le marché européen de l’électricité, le mixte énergétique, les énergies renouvelables, les accords de libre-échange, etc.

Pourtant, les parlementaires ne rendent pas de comptes et tous les cinq ans, on les voit revenir la fleur au fusil pour renouveler leur mandat. Je n’accepte pas cela. Je souhaite au contraire travailler en complémentarité avec des élus locaux, c’est-à-dire des maires, des conseillers départementaux et régionaux, des parlementaires.

Vous avez 28 ans et vous répétez à l’envi votre volonté de reprendre la main, de reconquérir les classes laborieuses, de ne pas vouloir faire la guerre… Quelle Europe voulez-vous pour les générations à venir ?

Je souhaite que l’Europe d’Emmanuel Macron meure. Je parle de l’Europe de l’augmentation des factures, des fermetures de salles d’écoles, du recul des services publics, de cette Europe qui est incapable de répondre à la guerre sur notre continent.

Je souhaite une Europe qui soit capable d’agir pour nos intérêts, pour répondre aux besoins de notre population avec un redéveloppement de nos services publics, une réindustrialisation de notre pays et en capacité de maintenir les emplois non seulement en France, mais sur l’ensemble du territoire européen. Je souhaite également une Europe capable de répondre au défi environnemental. Je souhaite une Europe des peuples, libres et associés, pour agir ensemble sur le développement et le progrès.

Partout en France, et notamment dans les Hauts-de-France, on assiste depuis des années à la fermeture de nombreuses grandes entreprises industrielles. D’autres sont sans cesse menacées, comme Ascoval ou Metex. Aujourd’hui, on annonce la création de gigafactories, des usines de batteries pour les voitures électriques. Est-ce la bonne voie pour une vraie réindustrialisation à long terme ?

Je pense que les Français en ont marre de ces politiques qui ne font que des coups de communication. Il semble y avoir aujourd’hui un décalage entre les grandes annonces qui sont faites et la réalité du terrain. Oui, les gigafactories vont dans le bon sens. Mais il faudrait commencer par préserver les entreprises existantes. Aujourd’hui, sur l’ensemble du territoire français, 60 000 entreprises françaises sont en difficulté.

L’Europe doit agir pour la sauvegarde et la préservation de notre industrie. Il y a des secteurs essentiels, indispensables, avec des savoir-faire indiscutables, qui sont délocalisés à l’étranger à cause de cette Europe néo-libérale. Je souhaite la création de nouvelles usines indispensables pour répondre à notre souveraineté et à l’impératif environnemental et je souhaite aussi préserver le tissu industriel existant, que ce soit dans l’automobile ou dans d’autres filières.

Je pense par exemple à l’usine Metabolic Explorer (Metex), spécialisée dans la production d’acides aminés (la lysine) pour l’agroalimentaire, à Amiens. Je souhaite engager de grands travaux pour la relance de notre territoire national et européen. Cela veut dire sauver nos usines, nos emplois, créer de nouvelles usines pour retrouver notre souveraineté là où nous l’avons perdue, comme la production de médicaments. Je souhaite aussi engager de grands travaux pour l’environnement.

Je pense notamment au développement massif du fret ferroviaire, à la réouverture des lignes du quotidien permettant de remplacer des camions par des trains. Je souhaite aussi soutenir le fret fluvial, avec le canal Seine-Nord et l’axe Seine, je souhaite rattacher les ports et docks au corridor ferroviaire. Mais tout cela nécessite de revoir la copie européenne et de remettre en cause la politique libérale pour permettre que l’Europe soit un levier pour répondre aux défis sociaux, économiques, environnementaux, sanitaires.

Quels sont précisément les leviers d’action des députés européens dans un dossier comme celui de General Electric ? Vous étiez récemment sur le Territoire de Belfort pour défendre l’industrie. Et là, on se retrouve dans un bras de fer, concernant General Electric, entre les États-Unis et la France.

Il faut d’abord remettre en cause la libre concurrence à l’échelle européenne qui a pour conséquence l’ouverture à la concurrence, la privatisation, voire l’incapacité des États à empêcher l’acquisition par des puissances étrangères d’industries essentielles à notre souveraineté. C’est ce qui s’est passé avec la vente, par Alstom en 2014, de sa partie énergie à l’américain General Electric. Finalement,

ce dernier a multiplié les plans sociaux, s’est emparé de l’ensemble des brevets. La vente d’Alstom a affaibli toute une filière industrielle en matière énergétique. On parle là d’un secteur essentiel pour l’avenir, pour répondre à l’impératif environnemental et pour permettre la construction de nouveaux réacteurs nucléaires.

La nationalisation serait une réponse ?

Si la France n’est pas en capacité de trouver des racheteurs français, il faudra en effet poser la question de la nationalisation pour les secteurs industriels stratégiques et essentiels. Je pense notamment au secteur énergétique. Dans le cas que vous évoquez, on va avoir besoin qu’EDF, entreprise publique, puisse racheter la branche nucléaire de General Electric. Ce serait une bonne chose. Cela nous permettrait de planifier les besoins, d’aider le secteur industriel au mieux, de produire suffisamment d’électricité pour réindustrialiser le pays.

En tout cas, il y aurait moyen de reprendre le contrôle sur la tarification énergétique pour les ménages et les entreprises ?

Parallèlement oui, parce que c’est un peu différent. Il s’agit encore de l’ouverture à la concurrence, mais cette fois, on parle bien de l’ouverture à la concurrence d’EDF et de ses conséquences désastreuses.

L’Union européenne a poussé à cette ouverture en disant qu’il ne doit pas y avoir de monopole d’État sur la production et la distribution d’électricité. Je rappelle qu’à l’époque, on avait dit que l’ouverture à la concurrence de l’électricité et du gaz permettrait de faire baisser les prix. Vingt ans après, on voit bien que ce n’est pas le cas. En plus, la qualité du réseau s’est dégradée. Il importe aujourd’hui de garantir la production, maîtriser les prix et faire baisser les factures d’électricité et, surtout, produire suffisamment d’électricité pour répondre à l’ensemble des besoins. Pour y parvenir, la nationalisation de Total pourrait donc être à l’ordre du jour. On sait d’ores et déjà que potentiellement, parce que les besoins n’ont pas été planifiés, si nous étions amenés à consommer trop d’électricité, nous pourrions subir des coupures de courant.

Dans ce contexte, faut-il toujours avoir à l’esprit que, près de vingt ans après, les Françaises et les Français demeurent traumatisés par le sort qui a été fait au vote de 2005 contre le traité constitutionnel et la remise en cause, par le traité de Lisbonne, de la voix des électeurs ?

Oui. J’entends dire ici et là que les Français n’ont rien à faire de l’Europe. Le référendum de 2005 a montré le contraire. Le problème, c’est que l’Europe n’a rien à faire des Français. On a vraiment l’impression aujourd’hui que l’Europe les méprise et se montre incapable de répondre à leurs aspirations et à leurs besoins. Aujourd’hui, on a besoin de députés capables d’écouter les Français et capables de défendre leurs intérêts. C’est ce que je souhaite faire.

Il faut dépoussiérer l’Europe ?

Il faut la démocratiser. Il faut la rendre réellement démocratique pour que les Français se sentent associés aux décisions prises à l’échelle européenne. Or, c’est l’inverse qui nous est donné à constater. Pendant le mouvement agricole, en pleine crise, les députés « Renaissance » votent un traité européen de libre échange contre les intérêts des agriculteurs ! Si on leur met la pression, je suis persuadé qu’on peut faire changer l’Europe.

Vous venez d’écrire à Colombe, cette femme qui vit dans la précarité et qui vote RN. Regrettez-vous votre lettre ?

Non, pas du tout.

Pourtant, on sait qu’elle vote pour l’extrême droite depuis très longtemps. Elle votait déjà pour Jean-Marie Le Pen, donc le Front national. Elle n’était pas la chômeuse d’aujourd’hui.

Elle l’avait dit d’emblée. Mais ce témoignage m’a frappé. Colombe parle uniquement de la précarité, de la galère dans laquelle elle se trouve, du chômage, de la perte de nos usines, de la difficulté à remplir le frigo et à finir le mois. C’est une électrice qui devrait voter à gauche.

Alors, comment se fait-il qu’elle et d’autres tombent dans un vote d’extrême droite ? La gauche a arrêté de leur parler, parfois, elle les a méprisés. En disant qu’ils sont racistes, qu’ils n’ont pas un mode de vie convenable. En fait, la gauche les a trahis. Moi, j’ai envie de leur tendre la main. Je veux leur faire prendre conscience que le mal qui les touche ne sera pas résolu par le Rassemblement national. Le RN n’est pas un remède, il est un symptôme des politiques austéritaires et antisociales menées par le gouvernement. En revanche, le recul de la solidarité et des services publics profite au RN. Il faut bien expliquer que le RN est le poison qui amplifie le recul des politiques sociales, il n’y a qu’à voir les votes de l’extrême droite au Parlement européen.

L’actuelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, n’hésite pas à signer des accords avec la présidente d’extrême droite du Conseil italien, Giorgia Meloni, pour piloter la politique de l’Union sur les questions migratoires. Quel regard, vous qui êtes candidat au Parlement Européen, portez-vous sur ce rejet des migrants et ce qui ressemble à la construction d’une forteresse européenne ?

Il y a beaucoup de mensonges sur la question migratoire. On voit que le zéro migrant que voulait Giorgia Meloni ne fonctionne pas. La question fondamentale à laquelle personne ne répond aujourd’hui est celle de l’accueil et de l’intégration. Il faut mieux accueillir celles et ceux qui fuient la misère et cherchent un avenir chez nous en développant les services publics et des logements.

Il faut faire en sorte qu’il n’y ait plus de camps de fortune comme les bidonvilles qui s’installent aux abords de nos villes. Il faut aussi régulariser les travailleurs sans papiers en leur donnant les mêmes droits que ceux des travailleurs français. Je crois profondément à l’intégration par le travail. On peut accueillir plus et il est de notre devoir de mieux accueillir ceux qui fuient la guerre et la misère. Si on n’y répond pas, on ne pourra pas répondre au défi de l’immigration.

Propos recueillis par Philippe Allienne

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