Un jeu très dangereux, selon Tristan Haute, maître de conférence en science politique à l’Université de Lille.
Que vous inspire la lettre du président Macron aux Français ?
Il évoque un modèle construit, par le haut, sur les coalitions et les alliances de partis politiques. On comprend en lisant sa lettre que son objectif est de parvenir à une grande coalition dont il serait le centre de gravité.
Ce serait nouveau et inédit en Vᵉ République.
Ce serait complètement nouveau. Habituellement, en France, les coalitions se construisent avant les élections, autour d’un programme, et dans un contexte majoritaire. Nous avons vécu en 2022 un accord de coalition entre La République en marche, le Mouvement démocrate et le parti Horizons. Mais dans le cas présent, la situation serait complètement différente et inédite, et même cocasse si l’on compare avec les autres pays européens. Ce serait en effet le parti qui a perdu les élections qui se retrouverait en mesure de gouverner. C’est en tout cas ce que souhaiterait Emmanuel Macron.
La référence à des pays comme l’Allemagne ou la Belgique ne vous semble donc pas opportune ?
Cet appel à une comparaison européenne est en fait extrêmement intéressé. Et puis cela ne se passe pas comme ça ailleurs en Europe, comme en Allemagne par exemple. D’abord, ce n’est pas le président qui choisit le Premier ministre.
Ensuite, c’est bien de vouloir faire advenir une nouvelle culture politique en France, mais le grand problème, c’est de vouloir le faire par le biais d’un courrier du président de la République, adressé aux Français par voie de presse. Cela ne peut être efficace.
Et puis, la crainte, c’est qu’on se retrouve dans une configuration telle que celle vécue en Italie où il y a eu une coalition d’union nationale. Les réformes qui ont été faites n’ont pas su répondre aux aspirations des Italiens. Résultat, la droite extrême est arrivée au pouvoir. Le risque est là en France. Celui d’une grande coalition qui ne réponde pas aux attentes des Français.
La coalition autour d’un front républicain n’est donc pas, selon vous, la solution à la crise politique actuelle ?
Elle ne servirait qu’à reporter le problème.
C’est ne pas comprendre pourquoi les gens votent pour le Rassemblement national.
Le système majoritaire qui est le nôtre fait que l’extrême droite pourrait très bien se retrouver, en 2027, avec, sinon une majorité absolue, au moins une majorité relative forte et une présidente qui serait Marine Le Pen. Le pari d’Emmanuel Macron, en voulant rassembler pour reprendre le contrôle, est très dangereux.