Pourtant, à en croire un sondage Ifop/La Croix publié le 10 juin analysant le vote aux élections européennes selon la pratique religieuse, 42 % des catholiques pratiquants auraient voté à l’extrême droite lors des européennes, des chiffres comparables à ceux du vote des catholiques pratiquants lors des élections présidentielles de 2022.
Pour les chercheurs en sciences politiques, la radicalisation de l’électorat catholique serait à mettre en relation avec le mouvement général de déchristianisation de la société. Repliée sur son noyau dur de fidèles, confrontée à la montée de l’islam, l’Église serait tentée par un repli sur un message identitaire.
Soucieuse de ne pas braquer les fidèles, la Conférence des évêques de France (CEF) s’était contentée, en 2022, d’inviter à voter « en conscience, à la lumière de l’Évangile et de la doctrine sociale de l’Église », sans formuler de consigne de vote explicite.
Un plaidoyer des évêques des Hauts-de-France « pour une sagesse politique »
Alors que le risque d’une victoire de l’extrême droite aux législatives n’a jamais été aussi proche, les archevêques de Lille et de Cambrai, Laurent Le Boulc’h et Vincent Dollmann et l’évêque d’Arras, Olivier Leborgne, ont pris position dans un plaidoyer « pour une sagesse politique » publié le 10 juin.
Observant que « Des hommes et des femmes se sentent aujourd’hui un peu perdus, délaissés et sans avenir. Ils aspirent à reprendre en main leur destinée dans une plus grande sécurité », ils concèdent que ce sentiment est « légitime », mais « cependant ambigu, car il peut verser dans la nostalgie, la victimisation de soi ou la quête d’un bouc émissaire ».
Sans pour autant donner « des consignes de vote en s’immisçant dans les consciences », les trois religieux ajoutent : « Plus les temps sont troublés, plus nous avons besoin de sagesse, une sagesse politique ancrée courageusement dans la tradition humaniste, la fidélité au service du bien commun, l’attention aux plus petits, l’humilité de l’écoute et la solidarité universelle ».
L’appel de Témoignage chrétien
Plus explicite, Témoignage chrétien appelle à barrer la route au RN : « Nous, c’est non ! Nous sommes chrétiens, nous disons non au parti de la haine de l’autre. Non au RN. »
Fondé à Lyon en 1941 par un groupe de chrétiens engagés dans la Résistance, Témoignage chrétien fustige « Le vote RN, qu’on qualifie souvent de vote de colère ou d’humiliation » mais qui est d’abord, explique Christine Pedotti, sa rédactrice en chef, « un vote de repli et de peur, indexé sur des intérêts personnels, sans égard pour un bien commun supérieur. Il ne s’agit pas de mieux partager les richesses, mais de mieux les garder pour soi ».
Dénonçant vivement « la pleutrerie des évêques de France qui, tant en 2017 qu’en 2022, se sont refusés à dénoncer le caractère radicalement non évangélique des thèses du RN et ont laissé les Français et Françaises à leur conscience », Témoignage chrétien observe que « la disparition du barrage catholique est l’une des raisons du raz de marée RN/Reconquête et il y a hélas fort à parier que l’épiscopat ne s’engagera pas davantage cette fois ».
S’inscrivant dans la lignée de ses fondateurs, Témoignage chrétien appelle donc à « jeter toutes nos forces dans cette bataille. Les forces politiques vont faire leur travail, de même, sans doute, que les syndicats et les forces culturelles dans leur domaine propre. Le nôtre est spécifique, il est spirituel ».