Dans un communiqué daté du 23 septembre, la CGT FERC Sup (Établissements d’enseignement supérieur et de recherche) ne mâche pas ses mots en se déclarant « consternée » par la nomination de Patrick Hetzel. Elle estime que le député LR du Bas-Rhin « est à l’opposé de ce dont a besoin le service public. »
Artisan de la loi LRU sur l’autonomie universitaire
Le parcours du nouveau ministre est éloquent. Diplômé de l’École de management Business School de Strasbourg (à l’époque IECS), Patrick Hetzel est titulaire d’un doctorat de sciences de gestion décroché en 1993 (il a 29 ans) à l’université Jean-Moulin Lyon III. Il est aussi agrégé de sciences de gestion. Il a été notamment professeur des universités à Paris II Panthéon-Assas, en 1999, où il a fondé et dirigé le Laboratoire de recherche en gestion (Largepa). Entre 2001 et 2004, il est chef de service des études de défense au sein de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN).
Mais c’est à partir de 2005, lorsqu’il est nommé recteur de l’académie de Limoges, que sa carrière prend un tour essentiel. Après le mouvement contre le Contrat première embauche (CPE), le Premier ministre Dominique de Villepin lui demande de présider une commission université-emploi. Le rapport qu’il rend en 2006 fait état de propositions sur la professionnalisation des formations, sur le rapprochement avec le monde du travail, sur l’évolution de la gouvernance de l’université.
Le ton est donné et la route est tracée. En mai 2007, Patrick Hetzel intègre le cabinet du Premier ministre François Fillon. Il est conseiller « Éducation, enseignement supérieur et recherche ». De son côté, la ministre de l’ESR de l’époque, Valérie Pécresse, fait adopter en 2008 la loi LRU (Liberté et responsabilités des universités) largement inspirée du rapport écrit deux ans plus tôt par Patrick Hetzel. Cette loi est mise en œuvre alors que ce dernier a pris la tête de la Direction générale de l’enseignement supérieur pour la transformer en Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (Gdesip). Avec la loi LRU (autonomie en trompe-l’œil et austérité budgétaire) sont lancés le plan licence, le plan campus, la « masterisation » de la formation des enseignants.
Adepte d’une université à deux vitesses
Élu député UMP du Bas-Rhin en juin 2012 (et réélu à trois reprises), il intègre le parti LR et poursuit son travail de transformation de l’université pour laquelle il défend une vision libérale.
En 2022, il soutient Michel Barnier lors de la primaire des Républicains pour la Présidentielle avant d’intégrer l’équipe de campagne de la candidate désignée, Valérie Pécresse. Il préside à cette occasion le groupe de travail sur l’enseignement supérieur et s’oppose aux propositions d’Emmanuel Macron, à qui il reproche de dresser les grandes écoles et les organismes de recherche contre les universités.
Pour la CGT FERC Sup, le nouveau ministre est avant tout un « adepte d’une université à deux vitesses » : celle qui développe une recherche à un niveau mondial et celle qui doit insérer professionnellement les étudiants après trois ans.
Maître de conférence à l’Université de Lille, Thomas Alam rappelle que le nouveau ministre est aussi un « antiwoke » ce qui ne présage rien de bon pour les libertés académiques. Mais il s’inquiète en premier lieu en découvrant les lettres-plafonds adressées par le Premier ministre dans le cadre de la préparation du budget.
Dans son communiqué, la CGT renchérit : « M. Hetzel aura probablement à mettre en œuvre de nouvelles restrictions budgétaires dans l’ESR : pour 2025, ce sont 400 à 500 millions de coupes qui sont annoncées. La CGT FERC apprécie que la ministre démissionnaire Sylvie Retailleau défende le financement de l’ESR au moment de partir. Il est bien temps, après avoir accepté la loi Immigration de Macron et la première coupe de 904 millions d’euros du budget ESR en 2024. Le gouvernement Macron-Barnier porte la continuité et l’aggravation des politiques précédentes, à rebours du progrès social que nous défendons. »