Image rare : les élus présents à l’ouverture du congrès, mardi matin Porte de Versailles, à Paris, avaient recouvert leur écharpe tricolore d’un bandeau noir. Le président de l’Association des maires de France (AMF), le maire de Cannes David Lisnard (LR), avait prévenu : si les maires continuent à être méprisés, les prochains gilets jaunes seront en écharpe tricolore. Pour lui, le symbole du noir recouvrant l’écharpe d’élu local sert à « montrer que la mort des communes serait également la fin de l’État et la fin de la nation. »
Image de révolte
David Lisnard fait le buzz et feint d’oublier la responsabilité des gouvernements précédents et de celui de Michel Barnier (dont fait partie le LR). Mais au moins, l’ensemble des maires se retrouvent pour dénoncer le sort fait aux collectivités locales. D’ailleurs, fait remarquer le maire communiste de Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne), Denis Öztorun, c’est en réalité « presque 11 milliards d’économies qui vont impacter nos services publics et nos populations. » Pour lui, « les collectivités sont mises sous tutelle par l’État et n’ont plus aucune autonomie financière ». Cela est ressenti d’autant plus injustement que les collectivités locales se doivent de présenter des budgets en équilibre, contrairement à l’État.
De son côté, le socialiste André Laignel, maire d’Issoudun (Indre), et vice-président délégué de l’AMF, estime que les élus sont « animés d’une image de révolte » et veulent « retrouver leur capacité de marche en avant au service de la France (…) dans chacun de [leurs] territoires. »
Maire communiste de la commune du Pas-de-Calais Saint-Étienne-au-Mont, et vice-présidente de la Communauté d’agglomération du Boulonnais (CAB), Brigitte Passebosc ne pouvait être présente à l’ouverture du congrès. Mais il était important pour elle d’assister aux réunions et tables rondes qui ont suivi. « Cela nous permet d’échanger et de nous sentir moins seuls », dit-elle. « Quelle que soit leur sensibilité politique, poursuit-elle, tous les maires ont les mêmes soucis et les mêmes difficultés. Ce congrès permet des échanges pour déterminer comment les choses peuvent s’améliorer en mettant une pression suffisante sur la puissance publique. »
Coupes sombres à tous les étages
Comme elle le répète, « que ce soit pour les communes ou les intercommunalités, les collectivités subissent des coupes budgétaires à tous les étages. Évidemment, ces diminutions ne seront pas sans incidence sur nos actions et nos choix pour 2025. »
Outre l’effort financier demandé aujourd’hui, les communes subissent l’abandon de la taxe d’habitation. Comme nombre de ses collègues, Brigitte Passebosc ne croit pas à son rétablissement. « Il serait difficile de revenir en arrière. Les habitants ne comprendraient pas. Mais au-delà, je pense qu’il faut compenser, à l’euro près et depuis le début, les subventions qui ont été rabotées. »
La maire de Saint-Étienne-au-Mont a vécu les inondations. Dans le canton d’Outreau, huit communes sur onze avaient été impactées, il y a un an. Après le débordement de la Liane, il y a eu un épisode de fort déluge, des ruissellements et des coulées de boue. « Le 2 novembre, se souvient-elle, nous avons vécu une super tempête et, la nuit suivante, une montée record des eaux. » De nombreuses maisons sont devenues inhabitables. Il a fallu organiser le relogement. « Nous avons dit à certains habitants qu’ils ne pourraient pas regagner leur logement avant un an. »
On devine que de telles situations sont particulièrement pénibles à vivre quand on occupe un poste à responsabilités. Lorsque le Premier ministre Gabriel Attal est venu dans sa commune, Brigitte Passebosc n’a pas manqué de rappeler les gros dossiers en cours.
Mais sur ces inondations et leurs conséquences que l’on n’avait pas vu venir, il faut savoir tirer les leçons. « Aujourd’hui, face au changement climatique, les élus ont intérêt à se préparer parce que, sur tous les territoires, les événements climatiques vont devoir être gérés différemment. La mise en place des plans communaux de sauvegarde fait partie des éléments importants qu’il faut prévoir. Même si cela n’empêche pas les sinistres, qu’au moins, on soit en mesure de protéger les vies humaines. »
Premier pilier de la démocratie
Logement, équipements culturels et sportifs, transports, sécurité, grand âge, éducation, crèches… et soucis financiers : la vie d’un ou d’une maire n’est pas de tout repos. Mais l’élue du Pas-de-Calais n’entend pas se décourager. Même si l’on constate de nombreuses démissions ou retraits en France, elle encourage les jeunes à s’engager. Qu’est-ce qui peut motiver un jeune maire ?
« Aujourd’hui, répond-elle, avec les nouvelles générations, il y a peut-être un problème de culture du partage et de la socialisation. On le voit bien dans les associations qui peinent à trouver des bénévoles. La solution, je ne l’ai pas. Le mode de vie de notre société met un frein à un tel engagement qui n’est certes pas facile. »
Mais, affirme-t-elle, « le maire, c’est le premier pilier de la démocratie. Pour avoir effectué plusieurs mandats de conseiller départemental, régional ou autre, je crois que le plus important et le plus enrichissant est celui du maire. Mais c’est aussi le plus difficile. Nous sommes en première ligne face aux habitants pour répondre à leurs problèmes, à leurs attentes, à leur désarroi aussi. »
Quant à l’attitude du gouvernement, et de l’État ponctionneur, « Il faut s’unir et faire masse », assure-t-elle. « Aujourd’hui, on se rend compte que sur chaque territoire, on parvient à obtenir une mobilisation beaucoup plus importante que celle qui existait par le passé. »