Pour le public présent à Faches-Thumesnil, le témoignage de Sami Huraini a apporté un regard neuf sur la résistance palestinienne, un mot souvent galvaudé ou sali par des médias ou des partisans inconditionnels de la politique israélienne et du gouvernement de Netanyahou. L’horreur qui s’est abattue le 7 octobre avec l’attaque terroriste du Hamas (1200 personnes tuées, dont 37 enfants, 7 500 blessés, 58 personnes encore retenues en otage) est régulièrement opposée à la riposte disproportionnée de l’armée israélienne. La guerre a fait, depuis un an et demi, plus de 50 000 morts à Gaza et plus de 115 000 blessés sur une population d’environ 2,1 millions d’habitants.
Masafer Yatta, zone interdite
En venant témoigner de la réalité de ce qu’il se passe sur ce territoire et de la façon dont résistent les Palestiniens, Sami Huraini sait précisément d’où il parle. Cet homme, âgé de 28 ans, a fondé l’association « Youth of Sumud », un mouvement de résistance populaire à Masafer Yatta, en Cisjordanie. Il est aussi engagé dans la Coordination de lutte populaire.
Pour bien comprendre, il faut savoir que Masafer Yatta, où vit Sami Huraini, est un ensemble de 12 villages ou hameaux, pour un total de 2 500 habitants, dans le sud-est du district d’Hébron. Nous sommes en Cisjordanie, un territoire occupé par Israël. Depuis des décennies, les habitants vivent dans la peur constante de perdre leurs maisons. Depuis 1980, les autorités israéliennes en ont fait une « zone interdite » pour la consacrer à l’entraînement militaire. Derrière se cache une volonté politique d’expulser les villageois. On retrouve donc, 45 ans avant la guerre actuelle, la même ambition aujourd’hui affichée par le gouvernement Netanyahou et ses ministres d’extrême droite : demeurer à Gaza et expulser les Palestiniens.
Le combat de Sami Huraini prolonge celui de sa famille. Arrêté à plusieurs reprises, il n’en poursuit pas moins son engagement, s’inscrivant ainsi dans ce que l’on appelle le « Sumud », c’est-à-dire la persévérance des Palestiniens à vivre sur leur terre et à résister à la colonisation. Il s’agit d’un « combat pour la dignité », peut-on lire dans la revue en ligne Ballast. « Loin des tractations politiques, une réalité demeure constante : se battre pour faire exister des vies, que ces dernières soient encore sous les bombes, mais aussi quand elles ne le sont pas. »
Détermination indestructible
Lors de son témoignage, Sami Huraini a bien sûr insisté sur le déchaînement de violence sans limite depuis 1948 et massivement intensifié depuis 18 mois. Il a évoqué le quotidien des Palestiniens résistant au milieu des colons armés et secondés par les militaires, le rôle des comités de résistance et la protection des villages et de leurs habitants face à la volonté de faire disparaître toute trace de la terre et de la nation palestinienne. Il a affirmé la détermination indestructible des villageois et des Palestiniens en général à rester sur leur terre, malgré le génocide à Gaza, les massacres quotidiens en Cisjordanie et l’invisibilité, voire la complicité de l’Autorité palestinienne.
La récente évocation par le président Macron d’une possible reconnaissance de l’État de Palestine par la France, à l’horizon de juin, laisse Sami Huraini circonspect. « J’espère que ce ne sera pas qu’une bonne parole », confie-t-il à Liberté Actus. En attendant, l’autorisation accordée par la France au Premier ministre israélien de survoler son espace aérien dans la nuit du 6 au 7 avril, lui reste au travers de la gorge. Benjamin Netanyahou fait pourtant l’objet d’un mandat d’arrêt sur décision de la Cour pénale internationale (CPI).