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Maureen - CC BY 2.0
Il y a 20 ans

La mort de Yasser Arafat

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Temps de lecture : 7 minutes

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Palestine

Le 11 novembre 2004, à l’hôpital d’instruction des armées Percy (à Clamart près de Paris) mourait Yasser Arafat. La cause palestinienne venait de perdre un de ses chefs et un de ses représentants les plus emblématiques.

Question apparence, l’homme soignait son image. Le look qu’on lui connaît pour la postérité date de 1968, après la destruction en mars de cette année du camp palestinien de Karameh où le Fatah avait établi son quartier général. L’armée israélienne avait mené une opération de représailles après un attentat des fedayins contre un bus de ramassage scolaire. Face à 6 500 soldats israéliens soutenus par l’aviation, 300 Palestiniens et une centaine de Jordaniens résistent pendant une dizaine d’heures. Le camp sera rasé mais, profitant du retrait des troupes israéliennes, Yasser Arafat estime que le Fatah, dont il est l’un des créateurs, a remporté une victoire.

Intensification de la lutte armée

Dès lors, le Fatah prend une autre envergure, il est reconnu par l’Égyptien Nasser et prend le contrôle de l’Organisation de libération de la Palestine. La figure de Yasser Arafat se donne des allures de « Che du Moyen-Orient » : barbe de trois jours, treillis militaire, revolver à la ceinture. Mais surtout, le keffieh qu’il prend soin de coiffer en laissant retomber un pan sur l’épaule droite. L’étoffe à carreaux noirs et blancs figure ainsi la carte du territoire palestinien. Bien des années plus tard, quand il ne pourra pas assister à la messe de Noël, à Jérusalem, le keffieh sera symboliquement posé sur la chaise qui lui était réservée.

La bataille de Karameh a eu lieu un an après la guerre des Six jours qui a vu la défaite de l’Égypte, de la Syrie et de la Jordanie et la conquête par Israël de Jérusalem-Est, de la Cisjordanie, de la bande de Gaza, du Sinaï et du Golan. C’est à partir de cette défaite que Yasser Arafat va convaincre le Fatah d’intensifier la lutte armée.

Mohamed Abdel Raouf Arafat al-Qudwa al-Husseini, le vrai nom de Yasser Arafat, est né en 1929 au Caire. Nom de guerre : Abou Ammar. Le personnage est complexe. Il a souvent été décrié, même dans son propre camp où il sera accusé d’autoritarisme et de corruption. Lorsqu’il s’engagera dans la fin des actions armées contre Israël, le Hamas ne lui pardonnera pas. Mais il connaît son ennemi : Israël et le sionisme. Il est habile et saura prendre sa place dans le long et infini combat pour une Palestine libre. On lui aura souvent reproché des occasions manquées, mais face aux faucons, à la droite et à l’extrême droite israélienne, face à la Ligue arabe, face, à la fin de sa vie, aux pressions du « quartet » constitué par les USA, la Russie, l’Union européenne et les Nations unies, Arafat n’aura pas eu la tâche aisée.

Dés pipés

Dès septembre 1967, par exemple, après la guerre des Six jours, lorsque le sommet arabe réuni à Khartoum affirme les trois « non » à Israël (non à la paix, non à la reconnaissance d’Israël, non aux pourparlers avec ce dernier), les dés sont pipés. Le Conseil de sécurité de l’ONU adopte alors la résolution 242 prescrivant le « retrait israélien des territoires occupés lors du récent conflit  ». Nous avons affaire là à la version française du texte. Les Américains sont plus flous dans la version anglaise qui parle du « retrait de territoires occupés ». Mais comme le français et l’anglais sont les deux langues officielles de l’ONU, les deux versions sont valides malgré la nuance entre « des » et « de ».

La question palestinienne n’est d’autre part évoquée que dans la perspective « d’un juste règlement du problème des réfugiés  ». Comme le souligne Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences Po Paris, on ne parle pas dans le texte d’un «  peuple aux légitimes aspirations nationales ». Et c’est dans ce contexte que les fedayins menés par Arafat prennent le contrôle de l’OLP. Cette dernière, celle de Yasser Arafat, souligne Alain Dieckhoff, directeur de recherche au CNRS, « a d’abord et avant tout été une organisation de réfugiés luttant pour le retour des Palestiniens dans leur patrie.  »

L’Accord d’Oslo I du 13 septembre 1993 se caractérisera lui aussi par l’ambiguïté du processus. On y lit qu’Israël et l’OLP « reconnaissent leurs droits légitimes et politiques mutuels ». Pour les Israéliens, le mot « légitime » entend que le peuple juif est chez lui, en « Eretz Israël », souvent traduit « grand Israël ». Les Palestiniens entendent l’expression « droits politiques » et donc le retrait des territoires occupés.

Le siège de Ramallah

Dans son livre « La Palestine expliquée à tout le monde », Elias Sanbar se demande si Arafat n’a pas manqué une occasion de faire avancer le processus de paix, en 2000 et 2001, en refusant les propositions israéliennes du sommet de Taba. En fait, le Premier ministre israélien Ehud Barak avait exigé, en préalable, la reconnaissance par les Palestiniens du caractère juif de l’État d’Israël. Or, répond l’ancien ambassadeur et délégué permanent de la Palestine auprès de l’Unesco, cette exigence signifiait « la reconnaissance par les Palestiniens d’une sorte d’ ’’essence éternelle’’ de la terre de Palestine. C’est autrement dit, l’exigence d’un reniement de la réalité antérieure à 1948. » Cela reviendrait à ce que les Palestiniens renient leur propre existence chez eux et légitiment, du coup, leur expulsion en 1948. Hors de question pour Yasser Arafat.

À la fin de sa carrière, le président de l’Autorité palestinienne a vécu le siège de la Mouqata’a de Ramallah, son quartier général. Israël lui reprochait l’Intifada armée, en 2001. Le siège a duré deux ans, de 2002 à 2004. Malade, Yasser Arafat a quitté la Mouqata’a pour être hospitalisé dans un hôpital militaire français, à Clamart (Hauts-de-Seine). Les causes de sa mort ont fait l’objet de longues enquêtes, la thèse d’un possible empoisonnement au polonium ayant été ouverte. Elle a finalement été abandonnée. Le leader palestinien repose à Ramallah où un mausolée a été construit à sa mémoire. Il avait reçu le prix Nobel de la Paix en 1994, conjointement avec Yitzhak Rabin et Shimon Peres.

20 ans après la mort d’Arafat, les Palestiniens meurent dans une guerre qui ne trouve pas de fin.

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