Des informations filtraient depuis longtemps déjà sur des comportements inappropriés de soldats israéliens sur le terrain de guerre, en Palestine. Des vidéos, réalisées par eux-mêmes, apportaient la preuve de leur arrogance, de leur manque de respect pour les civils et, parfois, de crimes de guerre.
La question s’est aussi posée, il y a quelques mois, du rôle de jeunes franco-israéliens, résidant en France, partis prêter main forte aux troupes de Tsahal. L’un d’eux avait par exemple été accusé de faits de torture, par la FIDH, sur des prisonniers palestiniens mais n’a pas été poursuivi.
Ce type d’accusation, que peu souhaitaient entendre jusqu’ici, franchit un nouveau pas avec l’action que viennent d’entreprendre la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et ses associations membres, palestiniennes et françaises, Al-Haq, Al Mezan, Palestinian Centre for human rights (PCHR), la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et l’Association France-Palestine Solidarité (AFPS).
Exécutions sommaires
Dans un communiqué daté du 1ᵉʳ juillet, ces six organisations « demandent l’ouverture d’une enquête à l’encontre de deux soldats franco-israéliens, Sasha A. et Gabriel B. Ces derniers, appartenant à la même unité de tireurs d’élite au sein des forces armées d’occupation israéliennes, sont accusés d’être impliqués dans des exécutions sommaires à Gaza. »
Elles déposent une plainte avec constitution de partie civile auprès du Pôle crimes contre l’humanité du Tribunal judiciaire de Paris. Les deux hommes « sont accusés d’atteintes volontaires à la vie, constitutives de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide. » Les associations se fondent sur un reportage réalisé par un journaliste palestinien, Younis Tirawi. Ce dernier y révèle l’existence d’une « unité de tireurs d’élite - le 9e peloton de la compagnie auxiliaire du 202e bataillon parachutiste au sein de l’armée israélienne ». Les soldats de cette unité, désignée dans le documentaire sous le nom de « Ghost Unit » (« Unité Fantôme »), sont mis en cause pour avoir procédé à l’exécution sommaire de civil·es palestinien·nes, entre novembre 2023 et mars 2024 à Gaza. Les soldats franco-israéliens Sasha A. et Gabriel B. figuraient parmi les membres de cette unité composée essentiellement de binationaux.
Sur le terrain de guerre, ces soldats se sentent couverts par l’impunité et par la hiérarchie militaire israélienne qui ne peut ignorer leurs agissements. Selon le journaliste Younis Tirawi, qui a en fait découvert deux équipes de tireurs d’élite au sein du 101ᵉ bataillon et du 202ᵉ bataillon (celui auquel il s’est particulièrement intéressé), les tireurs d’élite sont recrutés sur des tests physiques et des entretiens particuliers.
Younes Tirawi rapporte ainsi le témoignage d’un sergent américano-israélien à propos des personnes ciblées : « S’ils se trouvent dans une zone désignée comme zone de combat et s’il s’agit d’un homme en âge de servir dans l’armée, nous tirons ». Et, affirme le journaliste, des femmes et des hommes peuvent aussi être abattus
Appel à la responsabilité de la France
En portant plainte en France contre les ressortissants de ce pays, la FIDH et les cinq autres associations estiment qu’il en « découle des engagements internationaux souscrits par la France que les États portent la responsabilité première de poursuivre les auteur-e-s de crimes internationaux. La France doit impérativement veiller à ce que ces crimes ne demeurent pas impunis et garantir la poursuite de leurs auteur·es, en particulier lorsqu’il s’agit de ses propres ressortissant·es ».
Les associations ne comptent pas en rester là. D’autres plaintes visant des soldats binationaux et membres de cette unité d’élite doivent aussi être déposées en Italie et devant d’autres juridictions européennes. Des enquêtes sont par ailleurs en cours en Belgique et en Afrique du Sud. Actuellement, peut-on lire dans le communiqué de la FIDH, 4 000 ressortissants français servent dans les rangs des forces armées de l’occupation israélienne. Depuis le 18 mars dernier, après un bref cessez-le-feu, 6 000 Palestiniens ont été tués. Cela porte le bilan total à plus de 57 000 morts dans la bande de Gaza depuis octobre 2023.