« Une minorité agissante ». C’est ainsi que le politologue franco-israélien Ilan Greilsammer définit les manifestants qui défilent en Israël contre le gouvernement de Benyamin Netanyahou. C’est toujours comme cela, partout dans le monde et depuis longtemps (il évoque les manifestions de 1968 en France), « ceux et celles qui descendent dans la rue sont des minorités agissantes. » Mais la réalité, dans l’esprit des gens, n’en est pas moins vraie. « Aujourd’hui, poursuit le politologue qui est aussi professeur de sciences juridiques à l’université de Ramat Gan (Grand Tel Aviv), je dirais qu’un quart de la population soutient Netanyahou. Ils le soutiendraient même s’il marchait sur la tête. » Mais pour les trois autres quarts des Israéliens, les sondages montrent clairement qu’ils veulent le départ du Premier ministre.
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Les Israéliens veulent un gouvernement plus sensé et plus équilibré
Il ne faut pas s’y tromper, prévient Ilan Greilsammer, « on ne parle pas ici de droite ou de gauche. Les Israéliens veulent un gouvernement beaucoup plus sensé et équilibré. » Tout le monde ne sort pas dans la rue, mais une forte majorité est en désaccord avec la politique actuelle. « Les manifestants israéliens sont des sionistes, des patriotes qui aiment leur pays et qui sont extrêmement attristés par l’évolution d’Israël, un Israël qu’ils veulent meilleur. » Les deux arguments qui motivent les manifestants sont d’abord la question de la survie des otages du Hamas. Il en reste 59. Mais combien sont encore vivants ? Environ 25, s’interroge le politologue. Selon lui, les revendications de la rue israélienne sont loin de celles que l’on entend dans la rue française. Ce que disent en substance les manifestants, pour nombre d’entre eux, c’est « laissez tomber les frappes sur Gaza. Vous pourrez les reprendre après autant que vous le voudrez. Mais d’abord, libérez les otages ». Car la reprise de la guerre, décidée par Netanyahou, ne peut que les condamner, estime-t-il.
Le second argument des manifestants porte sur l’offensive antidémocratique du gouvernement. Ce dernier entend en effet faire passer sa réforme juridique antidémocratique. Netanyahou a ainsi décidé de limoger le chef de la Sécurité intérieure (le Shin Bet) qu’il rend responsable des massacres du 7 octobre 2023. La Cour suprême, plus haute instance israélienne, s’insurge et dit au Premier ministre qu’il ne peut nommer un successeur à la direction du Shin Bet. Netanyahou n’en a cure et répond que c’est au gouvernement de décider. Il faut savoir que, depuis 2023, il veut diminuer le pouvoir de la Cour suprême.
Le soutien des ultra-orthodoxes et des néo-fascistes
Voilà donc, résume Ilan Greilsammer, les motivations des manifestants, outre la libération des otages. « Ils ne veulent pas laisser corrompre l’idéal démocratique et ils espèrent bien que leur mobilisation portera ses fruits. » Mais tandis que les mouvements de protestation, les manifestations, les campements se poursuivent en Israël, Netanyahou a bien pris le soin de se préserver contre les poursuites judiciaires dont il fait l’objet (et mises sous le boisseau depuis la reprise des frappes dans la bande de Gaza et au Liban).
La guerre et le génocide s’accompagnent d’une politique mise en œuvre pour le maintien du gouvernement Netanyahou : attribution d’un budget colossal aux ultra-orthodoxes qui ne veulent pas voir leurs jeunes mobilisés dans l’armée ; l’alliance avec deux partis néo-fascistes dirigés par les ministres d’extrême droite Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir.