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3 Questions au Dr Bouchakour

À Rafah, la situation dépasse l’imaginable

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Mise à jour le 5 juillet 2024
Temps de lecture : 3 minutes

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Palestine

Médecin anesthésiste, le docteur Chems Eddine Bouchakour exerce à Dunkerque après avoir pratiqué à Caen et à Lille. En début d’année, membre de la mission médicale humanitaire internationale, il est allé à Gaza pour aider les blessés. Entretien.

Vous étiez à Gaza en début d’année. Quelle situation avez-vous constaté ?

Je faisais partie de la mission PalMed. C’est la première mission médicale qui a pu entrer à Gaza. Du 22 janvier au 6 février, nous étions sept Français et nous avons travaillé avec des médecins américains, anglais, norvégiens et jordaniens. À l’hôpital européen, c’était l’horreur absolue. D’une manière générale, les hôpitaux étaient pris pour cibles. De 3 000 lits, il n’en restait que 500 quand je suis parti. Je soignais des blessés de guerre. Nous opérions tous les jours de 9h à 22h et nous avions affaire à des blessures dues aux explosions, à des traumatismes crâniens, à des brûlures. Mais il fallait aussi pratiquer de nombreuses amputations suite aux infections après les opérations. Il y a de nombreux enfants amputés là-bas. Et puis, il fallait aussi s’occuper des pathologies habituelles comme les appendicites. Les moyens étaient très insuffisants, il y avait trop peu de place. Mourir d’une appendicite n’était pas rare. Et je ne parle pas des enfants et des personnes âgées qui meurent avant d’arriver à l’hôpital.

Lorsque vous étiez à Gaza, avez-vous vu des armes et des hommes armés au sein de l’hôpital ?

Jamais. Sauf des policiers.

Trois mois après, quelles informations recevez-vous ?

À présent, les attaques portent sur Rafah, à la frontière égyptienne, et la situation ne fait qu’empirer pour les habitants. Ils ne savent plus où aller. Les Israéliens disent aux civils de partir, mais ils ne trouvent même plus d’abris de fortune. Les petites tentes, type Quechua, coûtent en moyenne 1000 dollars. De toute façon, elles sont introuvables. On demande aux gens de partir et on ne laisse pas entrer les aides. [Il consulte les textos qu’il vient de recevoir et traduit] Regardez ce que m’écrit un infirmier : « La famille, ça va. (Ça, c’est une formule classique de politesse). Mais la situation dépasse ce que tu peux imaginer. On essaie de quitter Rafah, mais où aller ? » J’ai un autre ami là-bas. Il a 43 ans et on vient de lui découvrir un cancer du rein. Lui non plus ne sait pas où aller. Pour sortir de Rafah, il lui faut payer 5 000 dollars. Il ne les a pas. Or, il doit se faire opérer rapidement. Évidemment, il y a des chaînes de solidarité et les associations humanitaires font ce qu’elles peuvent, mais on ne sait jamais qui aider en priorité.

Que ressent le médecin que vous êtes ?

Humainement, c’est très difficile à accepter. Quand on connaît les gens, c’est encore plus dur. On sait qu’ils doivent chercher de l’eau et de la nourriture toute la journée. C’est inacceptable. Les frappes israéliennes sur Rafah, c’est un massacre annoncé sur un territoire de 55 km². Tout cela se passe aux yeux et au su du monde entier. C’est cette déshumanisation qui est le plus choquant. On va passer de l’endroit le plus peuplé du monde (60 000 personnes au km² environ) à celui où il y aura le plus d’orphelins et d’enfants amputés au monde.

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