Sahra Wagenknecht naît et grandit en République Démocratique Allemande en 1969. À vingt ans, elle adhère au Parti qui dirige le pays, la SED, qui deviendra le PDS à la réunification. Elle devient membre de la direction nationale en 1991 tout en menant ses études de philosophie sur Marx. Au sein du PDS, elle rejoint la Plate-forme communiste, un courant incarnant une forme d’orthodoxie marxiste. Elle est élue pour la première fois comme Députée Européenne en 2004, mandat qu’elle quitte en 2009 pour être élue au Bundestag sous les couleurs de Die Linke, dont elle sera vice-présidente de 2010 à 2015.
En 2018, elle crée son mouvement « Aufstehen » (Se lever ou Debout) sur la base de premières divergences, avant de créer son parti et de quitter définitivement Die Linke, emportant avec elle 9 des 38 députés de gauche au Bundestag. Les raisons principales de la scission sont des divergences de fond sur la politique défendue par le parti de la gauche anticapitaliste allemande, sur l’immigration, sur les revendications identitaires et sociétales, sur la guerre en Ukraine.
Un néologisme : la gauche conservatrice
La gauche radicale s’est effondrée mais la tendance incarnée par celle que certains ont déjà renommée « die neue Rosa Luxemburg » monte. Son message est clair : pour la raison et la justice sociale. Le terme de linkskonservativ (conservateur de gauche), forgé par le philosophe Peter Sloterdijk en 2016 est alors revendiqué par Sahra Wagenknecht, que certains résument ainsi : économiquement de gauche, socialement de droite.
Ce qui se traduit dans le Manifeste de ce parti comme dans ses interventions : lutte pour les salaires, pour les droits de celles et ceux qui travaillent, pour les services publics, contre le capital, contre les mesures du Green Deal européen, contre l’immigration qui selon elle déstabilise les droits et les salaires des travailleurs allemands, contre les revendications sociétales souvent résumées en « Wokisme », contre la vaccination obligatoire contre le Covid, pour la paix avec la Russie et contre les livraisons d’armes allemandes à Kiev.
Une gauche rouge-brune ou orthodoxe ?
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La première campagne du BSW (Bündnis Sahra Wagenknecht en allemand) est un succès puisqu’elle remporte 6,2% des suffrages lors du scrutin européen du 9 juin, lui offrant 6 sièges au Parlement européen, ce qui en fait la cinquième force politique, là où les Verts et Die Linke perdent 11 sièges sur 26. Lors des élections régionales du 1ᵉʳ septembre 2024, même constat : en Thuringe, elle arrive troisième avec 15 sièges sur 88, tandis qu’en Saxe, ce sont 15 sièges sur 120, faisant de la formation un élément clef des coalitions contre l’AfD, mais aussi le seul parti de gauche capable de concurrencer l’extrême droite sur la question migratoire.
Le CERFA (Centre d’étude sur les relations franco-allemandes) a consacré une note complète à son cas. Sous la plume du politologue Thorsten Holzhauser, la question qui se pose est celle de l’avenir de la formation : entre porosité potentielle avec l’extrême droite, complémentarité dans des coalitions contre l’extrême droite et capacité à rassembler la gauche contre le capitalisme, il semble que seule Sahra Wagenknecht soit certaine de la direction qu’elle suivra.
