La majorité des Ukrainiens se réclame du christianisme oriental. Mais derrière cette étiquette se cache une mosaïque de juridictions ecclésiales concurrentes :
- L’Église orthodoxe ukrainienne – Patriarcat de Moscou, historiquement dominante, reste liée à l’Église orthodoxe russe. Elle bénéficie d’un important ancrage dans l’est et le sud du pays.
- L’Église orthodoxe d’Ukraine, créée en 2018 à l’initiative de l’État ukrainien et reconnue par le Patriarcat de Constantinople, s’est constituée en rupture avec Moscou. Elle regroupe des structures issues d’Églises « dissidentes » apparues dans les années 1990.
- L’Église gréco-catholique ukrainienne, uniate, est rattachée à Rome tout en conservant un rite byzantin. Implantée surtout à l’ouest (Galicie), elle a été un soutien actif du mouvement pro-occidental Maïdan.
S’y ajoutent des minorités musulmanes (Tatars de Crimée), protestantes, juives et catholiques latines, notamment dans l’ouest.
Orthodoxie et géopolitique, une guerre d’influences
En Ukraine, la religion n’est pas un simple enjeu spirituel, elle est aussi une ligne de partage politique et culturelle. Le Patriarcat de Moscou incarne souvent, aux yeux de ses opposants, une forme d’influence russe, voire une cinquième colonne idéologique. À l’inverse, la création de l’Église orthodoxe d’Ukraine en 2018 a été saluée par le gouvernement comme un « acte d’indépendance nationale ».
Cette création a entraîné une rupture dans le monde orthodoxe et Moscou a coupé ses relations avec Constantinople, accusée d’ingérence. Cette crise a aussi débouché sur des conflits de terrain entre paroisses concurrentes, parfois violents, pour le contrôle des églises locales.
Une mémoire religieuse marquée par la répression
Pendant la période soviétique, toutes les confessions religieuses ont été encadrées. L’Église gréco-catholique a été interdite de 1946 à 1989, accusée d’être un relais de l’Occident. L’orthodoxie, tolérée sous conditions, a été encadrée par l’État soviétique.
La chute de l’URSS a relancé la concurrence religieuse, dans un vide institutionnel où chaque Église a tenté de réinvestir l’espace public. Mais les appartenances confessionnelles sont rarement purement théologiques : elles croisent les identités linguistiques, les trajectoires régionales et les affiliations politiques.
Depuis 2014, et plus encore depuis 2022, les tensions se sont amplifiées. L’Église orthodoxe du Patriarcat de Moscou est accusée de soutenir implicitement l’agression russe, ce qu’elle dément. Des autorités régionales ukrainiennes ont interdit ou suspendu ses activités, alimentant les controverses sur la liberté de culte. Pour certains Ukrainiens, rompre avec Moscou passe aussi par la rupture ecclésiale. Mais pour d’autres, cette instrumentalisation du religieux affaiblit le pluralisme et renforce les logiques de guerre civile idéologique.
| Les principales Églises en Ukraine | |||
|---|---|---|---|
| Statut | Zone principale | Position géopolitique | |
| Orthodoxe - Patriarcat de Moscou | Autonome mais rattachée à Moscou | Est, Sud, grandes villes | Proximité russe (contestée) |
| Orthodoxe d’Ukraine (2018) | Indépendante, reconnue par Constantinople | Centre, Ouest | Nationaliste, pro-occidentale |
| Gréco-catholique | Uniate, liée à Rome | Ouest (Galicie) | Pro-occidentale, antirusse |
| Musulmane (tatars, etc.) | Minoritaire | Crimée, diaspora | Diversifié |
| Catholique latin, protestant, etc. | Très minoritaire | Ouest, villes | Diversifié |