Au nord de Pokrovsk, les forces russes ont franchi la deuxième ligne de fortifications ukrainiennes, sécurisant plus de 50 km² et coupant la route T0514 entre Dobropillia et Kramatorsk. En attaquant par un flanc moins défendu, Moscou menace d’encercler la ville tout en contrôlant les derniers axes logistiques, notamment l’autoroute E50.
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Percée russe et rupture opérative en vue
La prise de localités comme Rodinsk permettrait de verrouiller l’ensemble du secteur. Si ces voies sont coupées, la défense ukrainienne locale pourrait s’effondrer, ouvrant un espace opérationnel où les troupes russes progresseraient rapidement à raison de plusieurs dizaines de kilomètres par jour.
Le « point Oméga », évoqué par un général ukrainien, résume la crise : les pertes ne sont plus compensées par les nouvelles recrues. Certaines unités subissent jusqu’à 50 % d’attrition, la rotation est impossible, et la mobilisation forcée s’étend désormais aux sexagénaires. Désertions, enrôlements coercitifs et moral en berne traduisent une impasse démographique et militaire.
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Pas de Minsk 3, Moscou dicte le tempo
Face à cela, la Russie poursuit sa stratégie d’attrition, amorcée dès novembre 2022, fondée sur une industrie militaire intacte : production soutenue de munitions, remplacement rapide des pertes, pression constante. Après Bakhmout et Avdiivka, Pokrovsk pourrait être le prochain verrou à céder, symbole d’une avancée lente, mais inexorable.
L’expérience des accords de Minsk, perçus à Moscou comme un gel du front favorable à Kiev, pèse lourd dans l’approche actuelle. Le rejet des accords d’Istanbul en 2022 a fermé la voie à une paix rapide. Aujourd’hui, la Russie, en position de force, entend transformer ses gains militaires en acquis politiques durables. À l’approche des négociations en Alaska, elle impose son rythme.
Les accords d’Istanbul, l’occasion manquée de 2022
En mars 2022, quelques semaines après le début de l’offensive russe, des pourparlers directs entre Kiev et Moscou s’ouvrent à Istanbul sous médiation turque. Le texte en discussion prévoyait :
- la neutralité militaire de l’Ukraine, renonçant à rejoindre l’OTAN ;
- des garanties internationales de sécurité pour Kiev ;
- le maintien de son intégrité territoriale hors Crimée et Donbass, dont le statut devait être négocié sur 15 ans ;
- le retrait progressif des forces russes.
Selon plusieurs sources, un projet d’accord était proche de la signature. Mais, après des consultations occidentales, Kiev suspend le processus. Pour Moscou, ce refus a prolongé inutilement la guerre et justifie aujourd’hui une ligne dure aux négociations : ne pas reproduire un « Minsk 3 » qui gèlerait les gains militaires acquis sur le terrain.
Minsk 1 et 2, les précédents qui hantent Moscou
Les accords de Minsk, signés en 2014 et 2015, visaient à mettre fin au conflit dans le Donbass.
Minsk 1 (septembre 2014) prévoyait : |
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un cessez-le-feu immédiat |
le retrait des armes lourdes |
un contrôle international de la frontière russo-ukrainienne |
une autonomie pour les régions de Donetsk et Louhansk |
Minsk 2 (février 2015), signé sous médiation franco-allemande, reprenait les grandes lignes du premier accord, avec des engagements plus précis : |
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cessez-le-feu total |
retrait des armes lourdes |
réforme constitutionnelle ukrainienne pour accorder un statut spécial au Donbass |
élections locales sous supervision internationale |
Pour Moscou, ces accords ont surtout permis à Kiev de gagner du temps, de se réarmer et de renforcer ses positions diplomatiques, sans jamais appliquer les clauses politiques clés. D’où la méfiance actuelle : un « Minsk 3 » serait perçu comme un piège visant à geler les lignes de front sans reconnaître les gains russes.