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Dan Morar/shutterstock
Entre deux blocs

Moldavie, le nouveau front ouvert par les bellicistes européens

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Mise à jour le 5 septembre 2025
Temps de lecture : 6 minutes

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Russie Union européenne Moldavie

Embourbés en Ukraine, vassalisés et humiliés par Trump, décrédibilisés dans le monde entier, les dirigeants européens les plus bellicistes s’offrent une visite en Moldavie pour soutenir leur marionnette Maia Sandu à un mois d’élections législatives cruciales. Tout semble prêt pour qu’un nouveau front y soit ouvert contre la Russie.

Le 27 août dernier, Emmanuel Macron, Donald Tusk et Friedrich Merz se sont rendus à Chișinău à l’occasion de la Fête nationale moldave. Officiellement, leur visite visait à soutenir « l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Moldavie », ainsi que la présidente Maia Sandu face aux « ingérences russes » à l’approche des élections législatives prévues dans un mois, le 28 septembre. Mais cette démonstration de force illustre surtout la volonté des élites européennes d’ancrer coûte que coûte la Moldavie dans leur orbite, quitte à piétiner la neutralité inscrite dans la Constitution du pays.

Des élections sous tutelle occidentale ?

Le contexte est explosif. Le PAS, parti de Maia Sandu, candidate de l’axe euro-atlantique, est actuellement en tête des sondages (peu fiables), mais aucun d’entre eux ne lui octroie une majorité absolue. Le dernier sondage la donne au coude-à-coude avec la gauche patriotique, unie derrière les socialistes et les communistes. La Commission électorale a rejeté en juillet l’enregistrement de la coalition « Victoire », regroupant l’homme d’affaires proche de la Russie Ilan Shor et la gouverneure de Gagaouzie (région autonome moldave historiquement proche de la Russie) Evghenia Guțul, tous deux jugés trop proches de Moscou. L’interdiction de cette coalition devrait renforcer la dynamique de la gauche patriotique.

À ce duel traditionnel s’ajoute une inconnue : l’émergence du nouveau parti Alternative, mené par l’ancien procureur général et candidat à la présentielle de 2024 défait par Sandu, Alexandr Stoianoglo. Cet outsider incarne une troisième voie, critique de Sandu mais se tenant également à distance des opposants les plus fermes à l’orientation suivie par Sandu. Son positionnement brouille les cartes et pourrait capter une partie de l’électorat désabusé, privant Sandu comme l’opposition d’une victoire claire.

La légitimité de Sandu reste ténue. Elle n’a remporté la présidentielle de 2024 qu’avec le soutien massif de la diaspora : en excluant ce vote extérieur, elle aurait été battue 51 % contre 49 %. Même schéma lors du référendum sur l’adhésion à l’Union européenne remporté de justesse (50,3 %). La Moldavie demeure profondément polarisée entre deux pôles d’influence — Russie et Union européenne — que la neutralité avait jusqu’ici permis d’équilibrer.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2020, Sandu, qui a affirmé devant les dirigeants européens que « l’alternative à l’Europe n’existe pas », agit comme le relais docile des élites libérales de Bruxelles. Sa présidence marque une rupture avec la tradition de neutralité : partenariats militaires, alignement diplomatique et promesses d’adhésion qui viennent insérer le pays dans le bloc euro-atlantique, remise en cause des symboles et célébrations anti fascistes. Pour discréditer toute opposition, elle agite désormais la menace d’ingérences russes — parlant d’achats de voix à hauteur de 100 millions d’euros dans le cadre de la dernière présidentielle et alertant contre le risque d’une manipulation russe des réseaux sociaux en vue des législatives du 28 septembre. Son discours occulte à dessein l’ingérence croissante et bien réelle euro-atlantique dans le pays.

Depuis 2022, plus de deux milliards d’euros ont été débloqués par la Commission européenne pour « soutenir les réformes » et « renforcer la résilience » de la Moldavie. À cela s’ajoutent des promesses de préadhésion, des programmes d’infrastructures financés par Bruxelles ou Berlin, des crédits préférentiels de la Banque européenne d’investissement. Autant d’instruments utilisés à la veille des élections pour orienter les choix du pays. La Constitution de 1994 devait faire de la Moldavie un pont entre deux mondes. Elle devient une marionnette, utilisée par Bruxelles pour ouvrir un nouveau front contre Moscou, surtout depuis la perte stratégique de la Géorgie. Le scénario est connu : promesses d’adhésion à l’UE, déversement de fonds, délégitimation systématique de l’opposition. Toute voix critique est criminalisée, toute alternative à la ligne euro-atlantique décrédibilisée.

Bruxelles joue avec le feu

Que peut-il se passer après les élections du 28 septembre  ? Deux options se dessinent. Première hypothèse : la campagne de matraquage médiatique fonctionne, Sandu s’impose, et la Moldavie est définitivement arrimée au bloc occidental avec en ligne de mire l’adhésion à l’UE et à l’OTAN. Une provocation dangereuse quand on se souvient que la Russie dispose encore de troupes en Transnistrie. Seconde hypothèse : l’opposition patriotique l’emporte. Le terrain est alors prêt pour la contestation orchestrée : accusations d’ingérence, mise en doute de la légitimité du scrutin, refus de reconnaissance internationale. Un scénario classique, déjà vu récemment au Venezuela ou en Biélorussie, et qui pourrait plonger le pays, déjà fragilisé, dans une crise profonde.

Sous couvert de défendre la démocratie, l’Union européenne prépare en réalité une intervention lourde de conséquences dans les affaires d’un pays souverain. Le peuple moldave est pris en otage, sommé de se positionner clairement au sein du bloc euro-atlantique. Son histoire, ses subtilités et sa complexité sont sacrifiés au profit d’un narratif cousu de fil blanc, celui de la victoire nécessaire des « pro démocratie » contre « l’ogre russe ». Une chose est sûre : à force de jouer avec le feu aux portes de la Russie, Bruxelles, Macron, Merz, Tusk et leurs relais locaux prennent le risque d’allumer une étincelle incontrôlable.

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