Dès les premières semaines de l’invasion russe en Ukraine, en février 2022, des négociations ont eu lieu entre Moscou et Kiev. Ces pourparlers, organisés en Biélorussie et en Turquie, ont abouti à un projet de communiqué fin mars 2022, connu sous le nom de « communiqué d’Istanbul ». Ce document décrivait un cadre pour un règlement du conflit, incluant des concessions des deux côtés.
Une fenêtre d’opportunité
L’Ukraine, sous la pression de l’invasion, était prête à accepter un statut neutre et non nucléaire en échange de garanties de sécurité multilatérales. La Russie, de son côté, consentait à ce que l’Ukraine puisse rejoindre l’Union européenne et acceptait de discuter du statut de la Crimée dans les 10 à 15 ans. Ces concessions montrent que, malgré l’agression russe, les deux parties étaient ouvertes à des compromis significatifs.
Mais malgré les progrès réalisés, les pourparlers ont échoué. D’abord, les partenaires occidentaux, notamment les États-Unis et le Royaume-Uni, se sont montrés sceptiques quant à la viabilité d’un accord. Leur priorité était de soutenir militairement l’Ukraine et d’affaiblir la Russie par des sanctions. La visite de Boris Johnson à Kiev en avril 2022 a été un moment charnière : selon Davyd Arakhamia, chef de la délégation ukrainienne, le Premier ministre britannique aurait encouragé l’Ukraine à ne pas signer d’accord et à continuer le combat.
Ensuite, l’indignation publique ukrainienne face aux événements de Boutcha et Irpin, présentés comme des atrocités commises par les forces russes, aurait renforcé la résistance nationale. Dans ce contexte, l’Ukraine, confiante dans sa capacité à gagner la guerre avec le soutien occidental, aurait durci sa position fin avril, exigeant un retrait russe du Donbass comme condition préalable à tout traité.
Enfin, des désaccords persistants ont empêché un accord final. Les questions de la « dénazification », de la taille de l’armée ukrainienne, et du mécanisme de réponse des garants en cas d’agression sont restées en suspens.
Le rôle ambigu des acteurs occidentaux
D’un côté, les États-Unis et leurs alliés ont fourni un soutien militaire crucial à l’Ukraine, renforçant sa position sur le terrain. De l’autre, leur scepticisme quant à la voie diplomatique a contribué à l’échec des négociations.
Selon l’article de Foreign Affairs, repris par Les-Crises.fr, Washington et ses alliés n’ont pas fait de la diplomatie une priorité, préférant se concentrer sur l’affaiblissement de la Russie. Cette approche a limité les chances de succès des pourparlers, malgré les progrès réalisés.
Bien que ces pourparlers n’aient pas abouti, ils offrent des enseignements précieux pour de futures négociations. Ils montrent que des compromis étaient envisageables, même dans un contexte de guerre intense.
Le communiqué d’Istanbul en bref
— Neutralité de l’Ukraine : Statut neutre et non nucléaire permanent.
— Garanties de sécurité : Engagement des garants (dont les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU) à défendre l’Ukraine en cas d’attaque.
— Adhésion à l’UE : La voie vers l’Union européenne restait ouverte.
— Crimée : Discussion pacifique du statut de la péninsule dans les 10 à 15 ans.
Les points de friction
— Garanties de sécurité : Mécanisme de réponse des garants en cas d’attaque.
— Dénazification : Demandes russes liées à l’abrogation de lois ukrainiennes sur la mémoire historique.
— Armée ukrainienne : Taille et équipement de l’armée, sujet de désaccord entre les parties.
Le rôle de Boris Johnson
— Visite à Kiev en avril 2022 : Johnson aurait conseillé à l’Ukraine de ne pas signer d’accord avec la Russie.
— Message : « Lorsque nous sommes rentrés d’Istanbul, Boris Johnson est venu à Kiev et a dit que nous ne signerions rien du tout avec [les Russes] et que nous continuerions de nous battre. » (Davyd Arakhamia)